
XXXVIII.
Redoublement
de la perfécu-
tion en Afrique,
An.Cypr• an*
r 1S4 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e :
moi qui les gouverne , c’eft l’ordre deDieu. Qu’ils m’e-
coutent fi je leur confeiïle des chofes juftes : fi je leur
en propofe d em au v a ife s ,q u ’ils meméprifent. Marcien
dit : donne-moi tous leurs noms. Acace répondit: Leurs
noms font écrits au c ie l, dans le Livre de Dieu. Marcien
d it: Ou font les magiciens tes compagnons, 8c les dcc.
teurs de cette erreur artificieufe ? Apparamment il vouloir
dire les prêtres. Acace répondit : Nous fommes très-
coupables devant D ieu , mais nous déteftons l’art magique.
Marcien d it : Votre magie eft cette nouvelle religion
que vous nous amenez. Acace répondit : Nous
détruifons les dieux que vous craignez , après les avoir
faits vous mêmes. Marcien dit : Donne les noms fi tu
veux éviter les peines. Acace d it: J e fuis devant le tribunal,
& vous demandez mon nom ? Efperez-vous en pouvoir
vaincre plufieurs, vous que je confond moi feul ?
Si vous êtes curieux de noms, on m’appelle Acace ,
mon nom propre eft Agathange ; Si ceux-ci .Pifon évêque
d eT ro y e , Si Menandre prêtre: faites maintenant
ce qu’il vous plaira. Marcien d it : T u feras mis en pri-
fo n , afin que l’empereur voye le procès, Si ordonne ce
qu’on doit faire de toi, Cet interrogatoire fut fait le
quatrième des calendes d’A v r il, c’eft-à d ire , le v in g t-
neuvième de Mars ; Si l’empereur Decius en ayant lû le
procès v e rba l, ne fit que rire de cette difpute : il donna
à Marcien le gouvernement de la Pamphylie; mais il
admira tellement Acace , qu’il lui rendit la liberté.
Vers le commencement d’A v r i l , leproçonful d’A fr ique
étant venu à Carthage , la perféçution devint
plus rigoureufe qu’elle n’avoit été fous les magiftrats
de la v ille qui l’avoient commencée, 8c qui s’étoient
contentez d’emprifonner Sc de bannir. Alors on employa
les tourmens, lesfofiets, les bâtons', les chevalets*'
L i v r e s i x i e ’ me . 1
lets , les ongles de fe r , les flambeaux ; on recommen-
çoit fi fou vent les tourmens, que ce n’étoit plus le corps
-des martyrs que l’on déchiroit, mais leurs playes. Le Marty
ieiz iéme de ce mois Mappalicus fut tourmenté devant Airil-
le proconful, 8c lui dit entre autres chofes : Vous verrez
demain le combat. En effet, le lendemain il fouffrit
le m a rtyre,avec quelques autres. Incontinent après S.
Cyp rien écrivit aux martyrs 8c aux confeffeurs qui é-
toient en prifon, après avoir fouffert les tourmens, ou
deftinez à les fouffrir. Il leur donne de grandes louanges
, 8c releve avec toute fon éloquence la cruauté de la
perfecution 8c la fermeté de leur courage. Il les exhorte
a la perfeverance j mais il ajoûte, que fi avant lè jour
de leur combat Dieu donnera paix à fon églife , ils ne
doivent pas s'affliger d’être privez de la gloire extérieure
du martyre : puifque Dieu, de qui ils attendent la
•couronne, connoîtleur difpofition. On voit ici que ces
Saints avoient befoin de conlolation, quand ils ne fouf-
froient ni la mort ni les tourmens pour J . C.
t Il écrivit auffi aux prêtres 8c aux diacres unelettre, où tyift-.
i l les excite à prier 8c à s’hum ilie r, pour appaifer la co- 8'
lere de Dieu. La voix , dit-il, ne fuffit pas, il faut y join-,
dre lesjeunes, leslarmes 8c toutes fortes de foumiihons;
car il faut avoiier que nos pechez ont attiré cette tem-
pete. Nous fommes frappez comme nous méritons ; 8c
que ne méritons -nous point ? puifque les confeffeurs
meme qui doivent montrer aux autres l’exemple, n’ob-
ferventpas ladifeipline. Ainfi tandis que quelques-uns
s e lev ent. infolemment pour la fauffe gloire qu’ils fe
donnent de leur confeffion ; les tourmens font venus ,
8c des tourmens fans fin , qui nous envient la confola-
tion 8c de la mort 8c la couronne, 8c ne ceffe point qu’ils
n’ayent laffé la patience.
Tome II. A a