
j 8o H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
qu il n enfonçoit point, S i craignant de perdre la couronne
du martyre,il dit : Jefustout-puiffant,il n’eftpas
extraordinaire que vous arrêtiez les fleuves , comme
vous arrêtâtes le Jourdain , ni que vous fafhez marcher
fur les eaux , comme vous fites marcher Pierre iur la
mer : ce peuple a allez vû en moi l’effet de votre puif-
fance, accordez-moi la grace.qui relie & qui eftla plus
precieufe, de mourir pour vous, Jefus-Chrill mon
Dieu. Après cette priere il rendit l’efprit, S i coula à
fonds : fon corps fut trouvé allez proche S i honoré en-
fuite comme il meritoit. Il mourut le quatrième de
Juin.
• Dans la même province de Pannonie â Sirmiura
vivoit un vieillard nommé Serenus Grec de naiffance,
qui s’y étoit établi, S i cultivoit un jardin pour vivre,,
ne fçachant point d’autre métier La crainte de la per-
fecution le fit cacher pendant quelque mois , puis il
retourna à fon jardin. Un jour il y vint une femme
avec deux filles pour s’y promener Le vieillard lui dit :
Que faites-vous ici ? Je prends plailir, dit-elle, à me
promener dans ce jardin. Serenus dit : une femme de
votre condition ne doit pas fe promener à heure indue:
il eft déjà midi ; vous êtes venue ici à quelque autre
delfein : retirez-vous S i gardez la bien-féance, qui convient
aux perfonnes de votre forte. Il étoit ordinaire aux
Romains de fe repofer à midi, comme on fait encore
en Italie. Cette femme s’en alla pleine de dépit S i de
colere , parce qu’en effet le faint vieillard avoir devine
fon mauvais deflein ; S i elle écrivit à fon mari, qui
etoit dans les gardes de l’empereur Maximien, fe plaignant
de l’affront qu’elle avoir reçu. Il en parla à l’empereur,
S i lui dit : Pendant que nous fommcs attachez
a votre perfonne on maltraite nos femmes dans les païs
L i v r e n e u ÿ i e ’m e . 581
éloignez. L’empereur lui donna une lettre, pour le gouverneur
de la province, afin qu’il fe fît faire juftice. Il
partit avec cette lettre , S i étant arrivé il la prefenta au
gouverneur , qui s’étonna que l’on eût ofé attaquer la
femme d’un officier fervant auprès du prince , S i demanda
qui c’étoit. C’eft, dit le mari un homme du
peuple nommé Serenus jardinier. Le gouverneur le fit
venir aulfi-tôt, & après lui avoir demandé fon nom &
fa condition, lui demanda pourquoi il avoir maltraité
la femme de cet officier. D’abord il nia d’avoir maltraité
aucune femme : mais quand on lui eut parlé, du
jardin, il dit : Je me fouviens d’une qui vint il y a quelques
jours fe promener dans mon jardin à heure indue :
je la repris, S i lui dis, qu’il n’étoit pas honnête de fortir
à une telle heure de la maifon de fon mari. Le mari
apprenant l’aêlion honteufe de fa femme rougit S i fe
tût,& ne fit plus aucune pourfuite auprès du gouverneur
; mais le gouverneur faifant reflexion fur larépon-
fe du faint vieillard, dit en lui-même : Cet homme-ci
eft un chrétien, qui trouve mauvais qu’une femme
foit venue dans fon jardin à heure indue ; S i lui demanda
: De quelle nation es tu ? Il répondit au lu-tôt : Je fuis
chrétien. Le gouverneur dit : Où t’es tu caché jufques
à prefent,&comment as-tu évité de facrifier aux dieux?
Serenus répondit : Dieu m’a laiffé en vie comme il lui
a plû. J’étois comme une pierre rejettée du bâtiment :
maintenant puifquil a voulu que je fois découvert, je
fuis prêts de fouffrir pour fon nom, afin d’avoir part à
fon roïaume avec fes faints. Le gouverneur fore en colere
dit : Puifque tu nous as échapé jufques à prefent&
qu’au mépris des ordres des empereurs, tu n’as pas voulu
facrifier aux dieux : nous ordonnons que tu perdes la
tête. Aufli-tôt il fut emmené au lieu de l’execution &