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Confeffeurs
aux mines. i
3 04 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i o C e .
quand j’ai vûun jeune homme d une taille plus qu humaine
j il me fembloit, qu’il me menoit au pretoire, &
que l’on me faifoit approcher du tribunal, ou le pro-
conful étoit aflisv Quand il m’eut regarde, il commença
aulïi-rôtà écrire iur une tablette la fentence, que je
ne içavois.point ; car il ne m’avoit point interroge auparavant
à l’ordinaire. Mais le jeune homme qui étoit
debôut derrière lu i , lût avec une grande çurioute tout
ce qui étoit écrit, & même le fit entendre par ligne, ne le
pouvant faire-.de paroles. Car. ayant étendu & aplati fa
main en forme d’épée, il reprefenta le. coup de l’execu-
tion ordinaire, &ç je compris que c’étoit ma ièntence de
mort. Auffi-tôt j’ai commencé à demander , que l’on
me donnât au moins un jour de délai ■> julques a ce que
j’eulB reglé mes affaires 3 Se comme je repetois cette
priere , le Juge recommença à écrire je ne içai quoi fur
h tablette. Je compris toutefois par la ferenité de fon
vilage , qu’il étoit touché de ma jufte demande ; & le
même jeune homme me fit entendre promptement par
gefte, que l’on m’avoit accordé délai jufques au lendemain
; en tournant les doigts les uns derrière les autres,
Çe gefte en effet étoit chez les Romains le ligne d’un délai
dans les pourfiiites. Tellefut la vilion deS. Cyprien, &
l’évenement fit voir que ce jour de délai lignifioit une
année ; car il fouffrit le martyre au bout de l’an , le même
jour qu’il avoit eu la vifion.
Pendant fon exil il fut traité avec beaucoup d’amitié
par les .citoyens de Çurube ; & .reçut de fréquentes
yifites des chrétiens de dehors. Il fçut que 1 on avoit
pris neuf évêques avec des prêtres, des diacres, & un
grand nombre de peuple fidele, julques a des vierges &
des enfans ; & qu’après leur avoir donné des coups de
bqtçn, on les avoit envoyez travailler aux mines &
cuivre
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cuivre des montagnes de Mauritanie & dé Numidie.
Ces neuf évêques avoient tous affilié au dernier con- * | ,T*
eile de Carthage ; & leurs noms étoient N em efien, Félix
, Lic iu s,u n au tre F é lix , Litteus, Polien, Viétor, Ja - Sup. n. 77#
der, Dativus. S. Cyprien leur écrivit & aux autres mar- tpiJi''77'
tyrs qui étoient avec eux, une lettre de confolation> où
il dit que la gloire de leurs fouffranceseftlarécompen-
fe de leur foi & de leurs vertus, il marque qu’une partie
d’entre eux avoir déjà confommé fon martyre ; &
qu’une partie étoit encore en prifon ; il décrit leur état
prefent dans le travail des minés. Tls avoient toujours
les fers aux pieds , & quand on les renfermoit à la fin
de la journée, on yajoûtoit des entraves ; après leurs
fatigues, ils n’avoient pour lit que la terre nuë > leurs
priions étoient obfcures, & pendant tout le jour ils fouf-
froient la maiivaife odeur de la fumée. N ’ayant plus la
commodité des bains, ils demeuraient fales & craffeux,
les cheveux longs &c négligez. Leur nourriture n’étoit
qu’un peu de p a in , les habits leur manquoient dans le
froid ; foit que ce fut en hy v e r , ou parce qu’ il fait toujours
froid dans les montagnes ; car d’ailleurs le païs eft
chaud. Mais leur plus grande peine étoit de ne pouvoir
offrir à Dieu le S. Sacrifice. S. Cyprien conclud ainfi fa
lettre : A prefent que vos prières font plus efficaces ,
demandez plus inilamment, que Dieu nous faffe à tous
la grâce d’amener notre confeffion à fa perfection ; &i
de nous délivrer glorieufement avec vous de cestene-
bres & de ces pieges du monde. Il envoya cette lettre
par Herenien foudiacre, Lucain, Maxime &c Aman-
tius acolytes, & les chargea auffi d’une fomme d’argent
pour le foulagement des confeffeurs. Ils les allèrent
trouver en trois lieux differens, où ils étoient dif-
perfez, & en rapportèrent des lettres de remerciement.
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