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l ’argent quand il eft venu au monde y il n’y a apporté que
des paroles : rendez-nous l’argent, &c foyez riches en
paroles.
S. Laurent répondit fans s’émouvoir : J ’avouë queno-
tre églife eft riche, fit l’empereur n’a pas de fi grands tré-
fors.Je vous ferai voir ce qu’elle a de p lus précieux -, donnez
moi feulement un peu de tems pour mettre tout
en o rdre, en drefler l’état, &c en faire le calcul. Le prefec
content de cette réponfe, & croyant déjà tenir lestré-
fors d e l’églife, lui accorda trois jours de terme. Pendant
ces troisjoursS. Laurent courut par toute la v ille , pour
chercher en chaque ruë les pauvres que l’églife nourrif-
fo it , Si qu’il connoiifoit mieux que perlonne -, les aveu-
g l e s , les boiteux, les eftropiez , les ulcerez il lesaifem-
ble, il écrit tous leurs noms, 8c les range devant l’ég’life.
Le jour marqué étant paflé , il va trouver le préfet, ôc lui
dit : Venez voir les t réfors de notre D ieu , vous verrez
une grande cour pleine de vafes d’or, Si des talens entaf-
fez fous des galleries. Le préfec le fu i t , & voyant ces
troupes de pauvres hideux à regarder, qui s’écrièrent
en demandant l’aumône y il fe tourne contre Laurent
avec des yeux troublez & menaçans. De quoi vous fâchez
v o u s , répondit-il î l’or que vous defiriez (1 ardemment
n’eft qu’un v il métail tiré de la terre, & (ert de motifs
à tous les crimes » le vrai or eft la lumière , dont ces
pauvres font les difcipies. La foibleife de leurs corps
eft un avantage pour l'efprit -, les vraies maladies font
les vice s ôc les paillons ; les grands du fiecle font les
pauvres vraïement miferables & méprifables. Voila
les tréfors que je vous avois promis y )’y ajoute les perles
& les pierreries -, vous voyez ces vierges & ces veuves,
c’eft la couronne de l’églife ; profitez de ces ricbef-
fes pour R om e , pour l’empereur & pour vous-ménae.
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C ’eft donc ainfi que tu me joiies, dit le préfet. Je fçai
que vous vous picquez vous autres de méprifer la mort -,
aufll ne te ferai-je pas mourir promprement. Alors il
fait apporter un lit de fer , & étendre deifous la braife
d e m i e éteinte pour brûler le martyr plus lentement On
le dépouille, on l’étend &c on l’attache fut ce gril. Son
vifage parut aux chrétiens nouveaux baptifez, environné
d’un éclat extraordinaire , & l’odeur de fon corps
roti leur parut agréable ; mais les infidèles ne virent
point cette lumière, Sc ne fentirent point cette odeur.
Après que le martyr eût été long-tems fur un côté , il
dit au préfet -, Faites-moi retourner, je fuis aflezrôtide
ce côté. £ t quand on l’eût tourné, il dit : Il eft aflez cuit
vous en pouvez manger. Puis regardant au ciel, il pria
Dieu pour la converiion de Rome , &c rendic l’efprit.
Des fenateurs convertis par l’exemple de ià confiance,
emportèrent fon corps fur leurs épaules. Il fut enterré à
Veran près le chemin de Tiburdansuhe gro tte, le d ixième
d’Aouft de la mêmeannée 158.
S. Cyprien étoic revenu de fon exil par la permiflîon
del’empereur, &demeuroit dans unjardinprèsdeCar-
thige qu’il avoir vendu au commencement de fa con-
verfion, & que la providence lui avoir rendu. Il l’auroit
encore vendu pour en faire des aumônes , s’il n’eût
cr int d’attirer l’envie des payens , dans ce tems de
perfecution. Ce fut là qu’il acheva de regler les affaires
de l égliie, & de diftribuer aux pauvres ce qui lui ref-
toit. 11 y apptic que la perfecution avoit recommencé,
& comme on en faifoit courir divers bruits confus, il
envoya des gens exprès à Rome pour fçavoir des nouvelles
certaines. Ils lui rapportèrent ce queValerien
avoit écrit au fenat, le martyre du pape Sixte ; & q u ’à
Rome les préfets preiloient tous les jours la perfecu-
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X L.
Dernières lettres
de S. Cyprien.
Pont. & Aftjh