
6o. H i s t o i r e E c c l e s î a s t I q ue I
attachement à la difc ip lin e , ils donnent la paix à touff
le monde indifféremment. Ils ne fe mettent point en
peine de la diverfité des fentimens, pourvu que l’on
s’accorde à combattre la vérité. Tous font enflez , &
promettent la fcience ; les cathecumenes font paifaitè
avant que d e tre inftruits. Quelle eft l ’infolence de
leurs femmes ¡elles ofentbienenfeigner,difputer, exor-
cifer , promettre des gu erifons, peut-être même bap-j
tifer. Leurs ordinations ie tout au hafard, legerement,
inégalement ; tantôt ils élevent des néophytes , tantôt
des gens engagez au iîecle, tantôt de nos apoftats
pour les attacher. Aujourd’hui ils ont un évêque,. d;-i
main un autre ; celui qui eft aujourd'hui d ia c re , fera
demain leéteur, aujourd’hui prêtre,demain laïq'u |j
car ils donnent même aux laiques les fondions facer-i
dotales. Ils fe font une affaire , non de convertir les
payens , mais de pervertir les nôtres -, ils n e fon th un .-
bles, flutebrs & fournis que pour cela.
Au refte , ils ne portent point de reflped même i
leur , prélats ; & c’eftpar cette raifon qu’il n'y a gueres
defchifmes chez les Hérétiques, parce qu’ils n’y paroif-
fent pas. Ils varient entr’eux, s’écartant de leurs propres
rég lé s , chacun tourne à fa fantaifîe la dodrine qu’il a,
apprife, comme celui qui l’a enfeignée l’avefit compo-
fée à fa fantaifîe. Les Valentiniens 8c les Marcionites
ont autant de droit d’ innover à leur gré dans la foi que
Valentin & Marcion; Ci l’on y regarde, on trouvera que
toutes les hérefies siécartent enplufieurs points des fentimens
de leurs auteurs. La plupart n’ont pas même
d’églifes, 8c font errans & vagabons fansmere, fans de-
'• 43' meure fixe, fans foi. Les Hérétiques font encore notez
parle commerce qu’ils ont avec les magiciens, les charla
tan s , les aftrologues, leiphilofophes. Par leurs moeurs
L i v r e g i n qjb i e ’ m e. f e
t>n peut juger de leur foi ; ils difent qu’ il ne faut point
craindre Dieu ; auftî fe donnent-ils toute liberté. C ’eft
ainfi que Tertullien nous décrit les Hérétiques,
Un autre ouvrage excellent comp.ofé certainement
depuis ft chu te , eft celui qu’il écrivit contre Praxeas;
pou r défendre la foi de la T rin ité , fur laquelle lesMonta-
XXXI.
Tertuliîen
condamne Pra-
xeas.
niftes convenoient avec l’égiife catholique. Il employé c. « jo*
expreffément le nom de T r in it é , & marque que les Hérétiques
affedoient de relever le nom de Monarchie ,
pour impofer aux fim ples, 8c faire croire qu’ils ne dé-
fendoient que l‘uni.té de Dieu. Pour prouver la diftinc-
tion du Pcre 8c du Fils, il examine tout ce qui eft dit du
Fils. D ieu , d it -il, étoit feul avant lacreation du mond
e , parce qu’il n’y avoit rien hors de lu i , mais en lui
était fa i âge île , fa raifon 8c fa parole intérieure, qui fe
produifit enfuite au dehors, 8c devint fa parole extérieure.
Il aime mieux ne la nommer parole qu’après cette
production, fuivant le ftile des anciens théologiens y
toutefois il reconnoit que îufage étoit déjà de la nommer
parole dès le commencement qu’elle étoit en Dieu,
8c admet ces expreftions comme indifférentes. Et ceci
fert.à expliquer ce qu’il dit ailleurs ; que le Fils n’a pas
toujours été, parce qu’il nomme génération cettepro-
lation extérieure du verbe , par laquelle Dieu dit j Que cont.Trax.cj,
la lumière fo i t , fans préjudice de l’éternité du verbe intérieur
, qui eft la fagtfle.
C ’eft, dit-il, cette parofequejedisêtreune perfonne,
& à qui j’attribuëlenom de Fils, 8c le reconnoiflant pour
Fils , je foutiens qu’il eft le fécond après le Pere ; il a t. s.
toujours été dans le Pere , ôi a été produit de lui fans
en être féparé. il en a été produit comme la plante de
fa racine, le fleuve de fafource, le rayon du foleil. Je
déclare donc que je les nomme deux , Dieu 8c fon Yer-
I-I iij
Cant. Herm• 3* 4;•