
XV..
. S,. Alexandre
1 e charbonnier..
H i s t o i r e E c Cl e s i a s t i q ü e :
où la digue étoit rompue , 6c pria Dieu d'arrêter déformais
ces eaux. Il s’ en retourna ; le bâton prit racine ôc
devint un arbre, qui fervit toujours de digue à cette rivière.
Quand elle venoit à s’enlîer , fitot que l’eau ap-
prochoit du pied de l'arbre, elle s'arrêtoit, ôc demeu-
roit reflerré aumilieu de Ton can a l, jufquesàce que les
torrens fuffent écoulez. Voilà quelques-uns des miracles
innombrables , qui donnèrent à Grégoire le furnom
de Thaumaturge -, car ce nomfignifieen greefaifeur de
miracles.
il établit la foi non-feulement dans fa v illed eN e o -
cefarée, mais dans le voifinage , ôc donna des évêques
à plufieurs villes. Celle de Comane lui envoya des députez
pour le prier d'établir leur é g life , en leur donnant
un évêque. Il y alla 3c paifa chez eux quelques
jo u r s , échauffant leur zele pour la re ligion , parles dif-
cours 5c par fes aétions. Le tems étant venu de leur
choilir un palïeur; les magiftrats Sc les principaux de
la villecherchoient le plus noble, le plus éloquent, le
plus diilingué par les qualitez éclatantes qu’ils voyoienï
en Grégoire même. Pour lui qui ne eonfideroit que la
v e r tu , après qu’ ils en eurent prefenté plufieurs, il leur
dit, qu’ils ne devoient pas dédaignerdecherchermême
entre ceux dontl’exterieurétoitleplus méprifablc. Un
de ceux qui préfidoient à l’éleibion voulut tourner ce
difcoürs en raille rie, 6c d it : Si vous voulez laifler ce
que nous avons de meilleur, ôc prendre un évêque dans
les artifans 5c le bas peuple, je vous confeille de choifir
Alexandre le charbonnier, nous y confentirons tous.
Gregpire répondit : Et qui eft-il cet Alexandre? Un de
lacomp'agniele prefenta en riant. Il étoit à demi nud,
le refte cou ^ert de haillons falles ôc déchirez ; on con-
moiifoic àifément ion métier à la noirceur de ion vifage , 4e
t l V R Ï S I X I E’ M E. 1 3 7
de fes mains 5c de tout ce qui étoit découvert ; tout le
monde le mit à rire en voyant cette figure au milieu
de l’aflemblée,
| Alexandre n’étoit point étonné,ne regardoit perfonne,
ôcparoiifoit content de fon état ; ce qui fit juger à Grégoire
qu’il y avoit en cet homme quelque chofe d’extraordinaire.
Il le tira à part, ôc lui demanda qui il étoit.
Alexandre lui avoüa que ce n’étoit point la neceffité
qui l’avoit réduit en ce tê ta t, mais le defir de fe cacher
en pratiquant la vertu. Je regarde, difoit-il, cette pouffiere
de charbon qui me défigure, comme un mafque
qui m’empêche d’être connu. Je fuis jeune, comme vous
voyez , 5c en un autre état je paroîtrois allez bien fa it;
ce font des occafions de tentation , à qui fe propofe la
continence. Ce métierfert encoreàmefaire gagner da
quoi fubûfter innocemment. Grégoire l’ayant examiné
foigneufement, le lailfa entre les mains de ceux qui l’ac-
compagnoient, leur pcefcrivant ce qu’il falloir fa ire , 5c
retourna dans l’aflemblée. Il y parla des devoirs d’un
é v êq u e , 5c les entretint jufqu a ce que ceux à qui il en
avoit donné charge,ramenèrent Alexandre, ils l’avoient
fa it baigner, Sc l’avoient revêtu des habits de Grégoire;
enforte qu'il parut un autre homme, ôc attira les yeux
de tout le monde. Ne vous étonnez pas, dit Grégoire ,
fi vous vous étiez trompez en jugeant félon les fens ; le
démon même vouloir rendre utile ce vafe d’éleèlion ,
le tenant caché. Enfuite il confacra Alexandre folem-
nèllementavec les cérémonies accoutumées, 5c le pria
de parler devant l’alfemblée ; il js’en acquitta fi bien ,
qu’il juftifia pleinement le jugement de faint Grégoire.
Son difcoürs étoit folideôc plein de fens, mais peu orné
; un jeune Athénien qui fe trouva préfent s’en moc-
qua, parce qu’il n avoit pas l’éleganceattique , mais il