
4 4 1 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ,
•fon difcours ; les factificateurs déchiroient leurs habits
& leurs couronnes ; le peuple crioit pour exciter le gouverneur.
Il fie donc attacher Théodore au chevalet, Sc
plufieurs bourreaux L’un après l’autre le déchirèrent
long- temps , aveclesongles de fer. On ajouta du vinaigre
fur Ces playes, & on y mit le feu. Le martyr Tentant
l ’odeur de ta chair brûlée, détourna un peu Le vifage; ôc
le gouverneur crut qu’il commençoit à ceder aux tour-
iuens. Non , dit Theodote , mais fais-toi mieux obéir I
tes nnniilrcs fe relâchent. Invente de nouveaux tour-
mens, pour m’éprouvet, ou plûtôt rcconnois le courage
que tne donne J .C . & qui fait que jeteméprife comme
un vil efclave; Ôc tes empereurs auflï. Le gouverneur
lui fit battre les mâchoires avec despierres,pour Lui caf-
fer les dents-. Le martyr dit : Quand tu me ferois couper
la langue, Dieu exauce les chrétiens, fans qu’ils parlent.
Le gouverneur l’envoia en pnfon ; mais en paifant
dans la place , il montroit à tout le monde fon corps déchiré
comme une preuve de la puiifance de J . C. & de
la force qu’il donne aux fiens , de quelque condition
qu’ils fo ien t , fans diftinétion de perfonnes. Il eft jufte ,,
difoit-il ; de lui offrir de tels facrifices ; puifqu’il a fouf-
fert le premier pour chacun de nous.
Au bout de cinq jours le.gouverneur fe fit amener
Theodote , & après avoir fait rouvrir fes plaies , comme
on l’eut déchiré de nouveau , & mis fur des teffons
brûlans , qui lui firent une extrême douleur ; le voiant
invincible, il le condamna à perdre la tê te , & ordonna
que le corps fut brûlé, de peur que les chrétiens ne l’en-
févelifTent. Le martyr étant àïrivé'au lieu de l'exécution,
demanda encore â Jefus - Ghr if f la fin de la peifecu-
tion , & là paix de leglife ; puis fè tournant vers les
frères , il leur dit : Ne pleurez p o in t , rendez grâces à
N- S. J . C . qui m’a fait achever ma courfe , & vaincre
fennemi : déformais je prierai Dieu pour vous dans le
ciel avec confiance. Cela dit il reçut le coup avec joie.
On mit le corps fur un grand bûcher ; mais il y parut
une fi grande lumicre, que perfonne n’ofa en approcher
pour l’allumer. Le gouverneur l’aiant appris, ordonna
des foidats pour garder la tête & le corps au même
lieu.
Cependant le prêtre Fronton vint à A ncy re,por tant
l'anneau du martyr , & efperant d'emporter des reliques
, comme il lui avoir promis. Il menoit une ânef-
.fe chargée de vin vieux de fon crû &c de fa vigne ,
qu’il cultivoit lui même. Il arriva fur le f o i r , &c fon
âneiîe fe coucha au lieu où écoit le corps du martyr. Les
gardes l’inviterent à demeurer avec eux. Ils avoient fait
une hutte de rofeaux & de branches de fiuife, & le corps
étoit auprès, couvert d’herbes & de feiiillées -, le feu
étoit allumé , & le foupé prêt. Le prêtre aiant décharge
fon âneflfe, leur fie goûter de fon vin , qu’ils trouvèrent
excellent. En bûvant ils parloient des coups qu’ils
avoient foufferts, pour avoir mal gardé des femmes ,
qui avoient été jettées dans l’étang, & qui en avoient
été tirées par un homme de f e r , dont ils gardoienc encore
le corps. Fronton les fie expliquer , & il fe trouva
que cet homme de fer écoit Theodote -, qu’ils nom.-
ffloient ainfi, parce qu’il avoir paru infenfible à tous
les tourmens. Alors le prêtre Fronton rendit graces.à
Dieu , & invoqua fon fecours : puis quand il vie les
gardes profondémentendormis;il prit le corps du martyr
, lui remit fon anneau au d o ig r , le chargea fur fon
aneife , & remit les feuilles & les herbes afin que les
gardes ne s’apperçufient de rien.. Il laiifa aller Ion
âneife, qui d’elle-même retourna au bourg-, & s’arrêta
K k k ij