
& avoir reçû de lui quelque inftruétion. Il demeura là
du commencement, affermiflant fon efpr it , en forte
qu il ne penfoit plus ni aux biens de fes parens ni à fes
amis, & s’appliquoit tout encier à acquérir la perfedtion
de la vie foluaire. Il travailloit de fes mains, lçachant
qu il eil écrit : Que celui qui ne travaille point, ne doit
point manger ; & ne retenant que ce qu’illui falloir pour
vivre , il donnoit le refte aux pauvres : il prioit continuellement,
parce qu’il «voit appris qu’il faut prier fans
ceiTe ; car il écoutoit la ledlure avec tant d’attention ,
que rien ne lui échappoit, & fa mémoire enfuitelui fer-
voit de livres.
Par cette manière de vivre , il fe rendoit aimable à
tous , il fe foumettoit fincerement à ces ferviteurs de
Dieu qu’il alloit vifiter, & remarquoit en quelle vertu
chacun d’eux excelloit ; l’humeur agréable de l’un, l’af-
iiduité à prier de l’autre ; la douceur de celui-ci, & la
bonté de celui là ; les veilles, l’amour de-l’étude : il admirait
la patience des u'ns, les jeûnes & les auileritez de
quelques autres, qui n’avoient pour lit que la terre ; il
fe rendoit attentif à voir la bénignité de l’un & la confiance
de l’autre ; leur pieté à tous pour J . C. & leur charité
entr’eux. Rempli de toutes ces images, il retournoit
dans fa folitude , où repaifant les vertus qu’il avoit vues
feparees en tant deperfonnes, il s’efforçoit de les raffem-
bler en lui feul. Il n’eut jamais aucuneconteilation avec
ceux cte fon â g e , fi ce n’eit pour ne paraître pas le fécond
dans les exercices de la vertu ; en cela même il ne
contriftoit perfonne , au contraire il leur donnoit de la
joie : ainii tous ces faints amis l’appelloient le bien aimé
de-Dieu, & le fuluoient les uns du nom de fils, & les
autres du nom de frere.
Le démon ne'pouvant foufirir ce zele en un homme
de cet âge, l’attaqua par diverfes tentations. D ’abord il
lui mit devant les yeux les biens qu’il avoit quittez , le
foin qu’il devoit prendre de fafoeur , fa nobleffe , le de-
fir de la gloire , les plaifirs de la vie. Dailleurs il lui ré-
prefentoit d’extrêmes difficultez dans le chemin de la
vertu ; la foibleife de fon corps , la longueur de la vie ,
& un nuage épais de diverfes autres penfées. Antoine lés
aïant diffipées par fa foi & par fes prières continuelles :
le démon l’attaqua violemment par des penfées d’impureté,
dont il le tourmentoit jour &c nuit ; mais A n toine
les furmonta , par la confideration de la nobleffe
que J . C. nous a donnée, de la fpiritualité de l’ame &
des peines de l’enfer ; en forte que le démon fe préfenta
à lui fous la forme d’un enfant noir , difant qu’il étoit
l ’efprit de fornication, & fe confeffant vaincu.
Après'cette première vidtoire, -Antoine loin de fe relâcher
augmenta fes auileritez. Il veilloit tellement, que
fouvent il paffoit la nuit enciere fans dormir. Il neman-
geoit qu’une fols le jour après le foleil couché ; quelquefois
de deux en deux jours, Si fouvent de quatre en
quatre. Sa nourriture étoit du pain & du fel, & il ne bû-
voit que de l'eau. Pour la chair A le v in,c ’étoit déjal’u-
fage établi chez tous les autres folitaires de s’en abftenir.
Son lit n’étoit qu’une natte, mais le plus fouvent ilcou-
choit fur la terre nue. Jamais il ne fe frottoir d’huile, ce
qui étoit en ce pais une auilerité confiderable. Il difoit
que les folitaires devoient fe ppopofer pour modèle le
prophète Elie.
L ’Egypte étoit pleine de fepulcres, qui étoient des
bâtimens confiderables. Antoine en choifit un des plus
éloignez du bourg , où il alla s’enfermer ; aïant prié un
de fes amis de lui apporter dp pain de temps en temps.
Le démon l’y vint attaquer la nuit, & le battit de telle
A a a iij