
XL.
Plainte des
païens contre U
religion chré-
tienne.
MU H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e ;
pis, porta la main à là bouche & la baiia: c’étoit une
maniéré d’adoration. Alors Oétave dit à Félix ; Mon fre-
re, il n’eft pas digne de vons de laiflèr dans cette ignorance
vulgaire un homme qûi vous accompagne continuellement.
Us continuèrent leur promenade, s’entretenant
de diieours indifférais; 8c revenant fur leurs
pas, ils trouvèrent des enfans qui le joüoient à faire couler
des caillous plats fur la luperficie de la mer. Les deux
autres prirent plaifir à ce Ipeélacle innocent ; mais Ce-
cilius parut rêveur 8c chagrin. Félix lui en demanda le
fujet, & il avoüa qu’il étoit piqué du diieours d’Oétave,
&p rbp olà d’examiner à fonds la queftion.
Ils s’aiîirent, mettant Félix au milieu, comme leur juge
5 & Cecilius commença par relever l’ incertitude des
connoiflânces humaines & la témérité de ceux qui aiment
mieux embralFer au hazard une opinion , que de
fe donner la patience d’examiner la vérité. C ’eft pourquoi
, dit-il, on ne peut v o ir fans indignation 8c fans
douleur, que des ignorans, qui n’ont ni teinture des
lettres, ni connoiflànce des arts les plus communs, oient
décider de la nature fouveraine , dont tant de lèélcs
de philoibphes depuis tant de lîecles diiputent encore,
8c avec raiibn : puifque bien-loin de connoître les choies
divines, nous ne connoiflons pas même ce qui eft
dans le ciel, au-deflus de nous, ni dans le fond de la terre
, & nous ferions bienheureux de nous connoître nous-
mêmes. Eniuite il apporte les raifons qui faifoient douter
les philoibphes, fi le monde avoit un auteur, & s’il
étoit gouverné par une providence; & conclut que dans
cette incertitude, le meilleur étoit de fuivre les anciennes
traditions, touchant la religion & làns vouloir juger
des dieux, en croire leurs peres 8c leurs ancêtres ,
qui étoient plus près de l’origine du monde. Il s’étend
L i v r é c i n q .u u ’m î . 7 g
Lut la grandeur de l’empire Romain, qu’ il prétend être
la recompenfe de leur pieté envers tous les dieux, même
étrangers.
A in fi, dit-il, püifque toutes les nations s’accordent à
croire les dieux immortels, quoique le culte en foit différent,
8t l’origine incertaine ; je ne puis fouffrir qu’il y
ait des gens 11 prélbmptueux 8c fi enflez de leur làgefle
impie, que de vouloir détruire ou affoiblir une religion
ii ancienne, fi utile, fi làlutaire. N ’eft-il pas déplorable
de voir cette faétion abandonnée 8c defeiperée, s’élever
contre les dieux , former une conjuration profane, en
ramaflànt la lie du peuple le plus bas & le plus ignorant,
& desfemmes foibles & crédules, lè joindre par des afi
ièmblées noélurnes, des jeux Iblemnels & des repas inhumains?
nation obfcure & ennemie de la lumière,muette
en public, parleulè en lècret. Us regardent les temples
comme des bûchers funeftes, ils crachent contre les
dieux, ils le mocquent des làcrifices ; ils ont pitié des ho-
neurs du lacerdoce & méprifent la pourpre, étant eux-
mêmes à demi-nuds. Leur folie va julques à ne compter
pour rien les tourmens prelèns, parce qu’ils en craign nt
de futurs 8c d’incertains; 8c de peur de mourir après.leur
m o rt, ils n’apprehendent point de mourir.-
Comme le mal eft fécond, la corruption des moeurs
éroiflant toujours, cette conjuration impie s’étend par
tout le monde. Ils lé recOnnoilïènt à certaines marques
fecrettes, ils s’aiment prefque avant que de le connoître ;
ils s’appellent tous freres 8c foeurs, couvrant ibus ces
beaux noms les infamies & les crimes dont ils fe font
une religion. On ne diroitpas d’eux tant de chofeshon-
teulès, fi ces bruits n’étoientlbutenus d’un grand fonds
de Vérité. J'apprens qu’ils adorent la tête d’un âne, par
je ne fui quelle impertinente opinion. Il ajoûte une au