
V. Conc. Matifç.
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j i i . H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
doit qu’à R om e , pour le nombre des habicans.
S. Cyprien étoit gardé chez le prince d’une manière
honnête , enforte qu'il ne laiiTa pas de manger aveefes
amis, & deles avoir auprès de lu i , à fon ordinaire. Ce
pendant le peuple fidele, qui craignoit que l’on ne lit
quelque choie à fon infçû pendant la n u it ; la pafla
dans la tuë ,' devant la porte du logis du prince. Us fem-
bloient être aflemblez pour celebrer la veille de fon
martyre. S. Cyprien toujours vigilant pour fon troupeau,
ordonna que l’on p iît garde aux jeunes filles, qui
écoient parmi ce peuple. Le lendemain quatorzième
de Septembre au matin, le proconful envoya quérir
Cyprien. il forcit de la maifon du prince accompagné
d’une grande multitude, le ciel étoit fort ferain Ôc le fo-
leil éclatant ; la diftance jufques au prétoire étoit dune
ftade, c’eft-à -dire , de cent vingt-cinq pas. Quand il y
fut ar r iv é , le proconful ne paroifloit point encore; on
le fit attendre dans un lieu retiré , où il s’affit fur un fie-
ge couvert d’un lin g e , qui fe trouva la pat hazard ; ôç
on avoit accoutumé de couvrir ainfi par honneur les
fieges des évêques. Comme il etoit tout trempe de fueur,
àcaufe du chemin qu’il avoit fait; un foldat qui avoir ete
chrétien luioffrit des habits à changer ; efperant garder
la fueur du martyr. S. Cyprien lui répondit : Nous voulons
remédier à deux mots , qui peut-être ne feront plus
qu’aujourd’hui. |
Auffi-tot on avertit le proconful qu’il étoit là ; ôc il
fe le fit amener dans la fale du criminel, où il étoit aflis.
Le proconful lui dit : Elles-vous Thafcius Cyprien ? Il
répondit . O u i, c’eft moi. Le proconful dit : Eft-ce vous
qui vous êtes porté pour pape deshommes facrileges i
Cyprien répondit: Oüi. Le proconful dit : Les très fa-
çrez empereurs vous ordonnent de facrifier. Cyprien
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dit.: Te n’en ferai rien. Le proconful dit : Penièz à vous.
Cyprien dit: Faites ce qui-vous eft ordonné : en une
chofe fi jufte il n’y a point à confulter. Le proconful
a'iant appris l’avis de lon confeil, prononça laièntence
avec beaucoup de peine parce qu’il iè portoit mal : elle
étoit conçue en ces mots: Il y a long-tems que tu vis
avec un efprit iàcrilege , que tu aifembles un grand
nombre de perfonnes d’une confpiration illicite , & que
tu es ennemi déclaré dès dieux Romains & des loix lacrees,
nos très-facrez princes Valerien & Gallien Au-
guiles, & Valerien , très-noble Céiàr, n’ont pu-te ramener
à leurs cérémonies. C’eft pourquoi étant convaincu
d’être auteur de crimes il pernicieux , tu fervi-
ras d’exemple à ceux que tu as ranemblez avec toi par
ron crime ; la police fera autorifée par ton fang. A'iant
dit cela , il lut le décret écritilir une tablette en ces mots :
Il eft dit que Tafcius Cyprien fera exécuté par le glaive.
Cyprien dit: Dieu foit loüé. Les Chrétiens quiétoient
préfens en foule, difoient : Que l’on nous décole auiïi
avec lui, & faiibient du bruit.
Comme il fortoit de la porte du prétoire , une troupe
de foldats l’accompagnoit , & des centurions & des tribuns
marchoient à les côtez. On le mena à la campagne,
dans un lieu uni, environné d’arbres : oü plufieurs montèrent,
pourle voir de loin à cauiè de la foule. S. Cyprien
étant arrivé à cette place, ôta fon manteau, fe mit à genoux
fur la terre, & fe profternapour prier Dieu .-puis
il fe dépoüilla de ià dalmatique , qu’il donna aux diacres
, & demeura en çhemiiè. La dalmatique étoit une
certaine efpece de tunique, dont la mode étoit venue de
Dalmatie dont l’uiàge étoit commun en ce tems-là.
L’executeur étant venu, S. Cyprien lui fit donner vingt-
cinq ious d’or. Il fe banda lui-même les yeux : mais com-
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