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foule de peuple, avec des flûtes & des cymbales, &
des femmes qui daiifoient les cheveux epars , comme
des bacchantes. Cependant Theodote prioit pour les
vierges expofées,craignant lafoiblefle du fexe. Ils eto.t
enfermé dans une petite maifon appartenant à un nommé
Theocharis, près i’églsfç des patriarches, avec Po,
lychronius neveu de la vierge Tecufe , 8c quelques au,
très chrétiens. Ils étoient demeuré proltemez en orai-
fon depuis le grand matin jufques à l’heure de Texte ;
quand la femme de Theocaris leur vint dire , que les
sVierges ayoienr été noïées d,ans le lac. Alors Theodote
fe devant de (ur le pavé , mais encore à genoux , éren.
dit les mains au c ie l , fondant en larmes , & dit ; Seigneur
, je vous rends grâces de n’avoir point voulu que
mes pleurs fuflent inuules. Puis il demanda à la femme
ce qui#s’.étoit paffé. Elle qui aVoit été prefente à tout
avec les autres, dit : Toutes les promeifes du gouverneur
ont été inutiles ; les prêtreiTes de Diane & de Minerve
qui prefentoienc aux vierges la couronne & l’habit
blanc pour marques du facerdoce , ont été de même
rejettées avec injures ; enfin le gouverneur a commandé
qu’on leur attachât des pierres au cou, fi grofles que chacune
auroit chargé une charette ; qu’on les mît dans de
petits batteaux , & quon les portât au plus profond de
l’é tan°\ Elles y ont donc été noyées enyiron à deux:
pens pieds du bord.
Theodote demeura au même lieu , eonfultant avec
Tolychronius&Theochar is , comment ils pourroient
tirer les corps de l’étang. Sur le foir un jeune homme
nomme Glycerius, qui étoit aufli chrétien, leur vint
dire que le gouverneur avoit mis des foldats près de l’étang
pour garder les corps. Theodote en fut fort affligé,
^ quitta les autres pour aller à l’églife des patriarches :
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mais les païens en avoient muré la porte. Ainfi il fe
profterna en dehors près de la conque ou étoit l’autel ,
& v demeura quelque temps en priere. De-là il alla à
l’églife des peres qu’il trouva aufli murée ; & pria de
même. Aïanc entendu derrière lui'un grand bruit, il
crut qu’on le pourfuivoit & revint chez Theocbaris ou
il s’endormit. Alors la vierge Tecufe lui apparut , & lui
dit: Tu dors, mon fils Theodote, fans te foucier de
nous. Ne te fouyiens-tu pas des inftruéHons que je t ai
données en ta jeuneffe , pour te conduire a la vertu,
contre l’attente de tes papens. Tu m’honorois comme
ta mere, 8c tu m’oublies après ma mort : ne lailTe pas
nos corps en proie aux poiffons. Un grand combat t attend
dans deux jours ÿ leve- toi, va a 1 étang ; mais garde
toi d’un traître.
Il fe leva & raconta fa vifion à fes compagnons, &
le jour étant venu,ils envoïerent Glycerius & Theochà-
ris reconnoître plus exaétement la garde ; efperant que
les foldats fe feroient retirez, a. caufe de la fete de
Diane ;■ mais ils étoient demeurez. Les chrétiens laif-
ferent donc palier encore ce jour-la. Le foir ils fortirenc
étant à jeun , & portant des ferpes tranchantes, pour
couper les cordes qui tenoient les pierres. La nuit etoic
obfcure, fans lune & fans étoiles. Etant arrivez au lieu
04 l’on executoit les criminels , plein de tetes coupees,.
fichées fur des pieux, 8c de reftes hideux de corps brûlez,
ils/nrent ia 1 lis d’horreûr ; mais ils entendirent une
voix qui leur dit : Approche hardiment,Theodote. C h a cun
d’eux fit fur fon front le figne de la croix, 8c auffi-
tôt ils virent une cioix lumincuiè vers 1 Orient : ils fe
mirent à genoux, 8c adorèrent vers ce cote. Us conti-
uferent àmarcher dans une telle obfcutice, qu ils ne
n voïoient pas l’un l’autre. Il tomboitune grande pluie,