
Ï34 H î s t o i r e E c c l e SIA ST i QU h.'
autres dieux obéïiToient. Grégoire lui expliqua la do£tri-
ne chrétienne-, mais il fut choqué de l'incarnation du
Verbe , jugeant indigne de Dieu de paroître avec un
corps parmi les hommes. Ce ne fon t, dit Gregroire, ni
les paroles, ni les raifonnemens humains qui perfuadent
cette vérité; mais les merveilles de la puiffance de Dieu.
Et bien : dit le facrificateur, lui montrant une pierre
dune grandeur extraordinaire , commandez à cette
pierre de changer de place, 8c d’aller dans un tel endroit,
qu'il lui marqua. Grégoire commanda à la pierre; elle
obéît comme fi elle eût été animée, & le payennedéli-
beraplus. Il abandonna fa femme, fes enfans , fa mai-
fo n , fon b ien , fonfacerdoce, p ourfuivre Grégoire Sc
devenir fon difciple.
Le bruit de ces miracles l’ayant précédé, le peuple
fo r t itd e la ville en foule pour le voir. M a is ils furent
bienfurpris quand il paffa au milieu d’eux fans regarder
perfonne, non plus que s’il eut marché dans un de-
fert. Comme il avoit tout quitté lorfqu’il fe retira, il
n’avoic plus de maifon dans la v ille , 8c les fideles qui
lefuivoient étoient en peine de fe loger. Quoi d on c ,
leur die-il, ne fommes-nous pas à couvert fous lapro-
teèfcionde Dieu? vous trouvez-vous trop à l’étroit fous
le c ie l; Sc faut - i l à des chrétiens une autre demeure,
que cellequeDieua donnée à tous les hommes ; fongez
à bâtir chacun vôtre maifon fpirituelle, Sc ne vous affligez
que de ce qne nous ne trouverons point de tels édi-;
fices préparez ; les maifons de pierre ne fervent gueres
qu’à couvrir les crimes des méchans. Alors un des plus
riches delà v ille nommé Mufone le pria de venir loger
en fa maifon , Si il le préféra à plufieurs autres qui lui
faifoient-le mêine offre , parce qu’il étoit chrétien.
Avant la fin du jour un grand nombre crut à Ta parole
L i v r e s ix ie ’me. *3 ^
¿s Dieu ; Sc le lendemain dès le matin on v it à la porte
de l’évêque des femmes, des enfans, des vieillards Sc
toutes fortes de malades. Grégoire les gueriffoit tous ;
Si foutenant ainfi la prédication par fes m ira c le s , il ga-
«ma en peu de tems une grande multitude. Il entreprit
alors de faire bâtir une é g life , chacun y contribua de
fon argent ou de fa peine ; elle fut placée dans le lieu
le plus éminent de la v i lle , 8c on regarda comme un mir
a c l e , qu’elle refifta à plufieurs tremblemens de terre,
qui ruinèrent prefque cette v ille , Si qu'elle fut épargnée
dans la perfecution deDiocletien.
Grégoire étoit le confeil de fon peuple dans toutes
leurs affaires Sc l'arbitre de tous leurs différends. Deux
freres en partageant la fucceffion de leur pere fe difpu-
toient un étang ; le faint évêque ne put les accorder , Sc
ils affembloient de part Sc d’autre des gens armez. L a
v e ille du jour qu’ils en devoient venir aux mains, il alla
fur le bord de l’é tan g , 8c après avoir paffé la nuit en
priere, il commanda à l’eau de fé retire r, 8c elle fe retira
, fans qu’il enreftâtune goûte; les freres vinrent le
m a tin , 8c né trouvèrent plus que de la terre. Qnvoyoie
encore cent ans après les marques de cet étang def-
feché.
On voyoit auffi la preuve d’un autre miracle.Le fleuve
ly c u s s’enfloitl’h y v e r , 8c referré par des montagnes fe
débordoiceniuite, ravageant le bas païs. Le peuple vint
à grandes troupes prier le faint évêque d’y remedier; il
alla fur le lieu, 8c s’appuyant fur un bâton, il lesentre-
tenoit par le chemin de l’efperance de l’autre v ie. Lors
qu’ ils furent arrivez à l’endroit ou lariviere avoit accoutumé
de rompre fa digue -, il leur reprefenta que c eft de
Dieu feul qu’il faut attendre des miracles ; puis in vo quant
J . C. à haute v o ix , il enfonça fon bâton au lieiï