
4 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
desplaifirs de cette vie. Sperat dit : Je ne connois point
le genie de l’empereur de ce monde , mais je fers au
Dieu celefte qu’aucun homme n’a vû ni ne peut voir.
J e n’ai jamais fait aucun crime puniffable par les loix,
publiques. Si j’achete quelque chofe,j’en paie les droits
aux receveurs. Je reconnois pour empereur de toutes
les nations mon Dieu & mon Seigneur. Je n’ai fait de
plainte contre perfonne,on ne doit point en faire contre
moi. Le proconful fe tourna vers les compagnons de
Sperat & leur dit : Nefuivez pas la folie de ce furieux,
mais plutôt craignez notre prince & obéiifeza fes com-
raandemens. Cittin répondit : Nous n’avons perfonne
à craindre que le Seigneur notre Dieu qui eft au ciel.
L e proconful dit : Qu’on les mene en prifon, & qu’on
les mette aux ceps jufqu’à demain.
Le jour fuivant le proconful affis fur fon tribunal fc
les fit préfenter , & dit aux femmes : Honorez notre
prince & facrifiez aux dieux. Alors Donate dit : Nous
rendons honneur à Cefar comme à Cefar,mais nous of-
fronsànotre Dieu l’honneur & lapriere. Veftinedit : Je
fuisauifi chrétienne. Seconde dit: Et moi auifi jecroien
mon Dieu & je veux être en lui ; pour vos dieux nous
ne lesfervons ni ne les adorons. Le proconful commanda
de les feparer ; puis ayant appellé les hommes,il dit
a Sperat : Perfeveres-tu à être chrétien 5 Sperat dit:Oiii,
je perfevere. Ecoutez-tous : Je fuis chrétien. Tous ceux
qui avoientété arrêtez avec lui Fouirent & dirent: Nous
fommes auffi chrétiens. Le proconful dit : Vous ne voulez
ni délibérer ni recevoir grâce ? Sperat répondit : En
un combat légitimé il n’y a point de grâce, faites ce que
vous voudrez Nous mourons avec jo'ie pour J . C . Le
proconful dit:Quels font les livresque vouslifez & que
vous adorez. Speratépondic t Les quatre évangiles de
L i v r e c i n q u i e ’ m e . y
N . S, J . C . les épitres de l’apôtre S. Paul & toute l’écriture
infpirée de Dieu. Le proconful dit: Je vous don-
netrois joursde temps pour reveniravous. Sperat d i t .
Je fuis chrétien & tous ceux qui font avec moi ; 8e nous
ne quittons point la foi de N . S. J . C . faites ce qu il
yous plaira.
Le proconful voyant leur fermeté rendit contre eux
fa fentence par la main du greffier en ces termes : Spera
t, Na rz a l, C ittin , Veturius, F é lix , A cy llin ,L e tan -
tius, Januaria, Genereufe, V e ilin e , Donate & Seconde,
s’étant âvotiez chrétiens,& ayant refufé de rendre honneur
& refpeét à l’empereur, j’ordonne qu’ils ayent Us
tête tranchée. Cette fentence ayant été lue , Sperat &
tous ceux qui étoient avec lui dirent : Nous rendons
grâces à D ieu, qui nous fait l’honneur aujourd’hui de
nous recevoir martyrs dans le c ie l, pour la confeffion
de fon nom: Ayant dit cela, ils furent menez au lieu
du fuppliçe , où ils fe mirent à genoux tous enfemble j
& ayant encore rendu grâces à J . C . ils eurent tous la
tête tranchée. On les nomma les martyrs Scillitains &
ils furent fameux en Afrique. Ce proconful Vigellius Ci
Saturnin qui le premier en cette perfecution avoir employé
le glaive contre les chrétiens, perdit la vue quelque
temps après au rapport de fertullieil.
Il étoit alors àC a rthag e , & ce fut vers le commen-
cernent de -cette perfecution qu’il publia une apologie milieu,
pour les chrétiens, la plus ample & la plusfameufe de
toutes. I l ne s’y nomme p o in t, Se adreffe la parole à
ceux qui tenoient les premières places dans l’empire,
c’eft-à-diré , comme il s’explique enfuite, aux gouverneurs
des provinces.
Il iniîfte d’abord fur l’irijuftice de condamner les
chrétiens fur leur nom fans vouloir connaître ce qu’ils
A iij