
H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
crainte de la mort devant les yeux ;ainfi il faut te pu-
nir. Cependant je ne refufe pas d’ufer encore de quelque
condefcendance, fi tu veux du moins à prefent reconnaître
les dieux, tu demeureras impunie. Que distu
donc ï feras-tu ce que les empereurs ont commande
? es-tu prête d’immoler aux dieux, & de manger des
facrïfices ? Irene répondit ; Nullement,nullement,par
ce Dieu tout-puiflant qui a créé le ciel & la terre , la
mer & tout ce qu’ils contiennent. Car on menace de
là.peine terrible du feu éternel ceux qui auront renonce
à je fu s le Verbe de Dieu. Le gouverneur dit : Qui
t a perfuadé de garder jtifques à aujourd’hui ces livres
& ces écrits 5 Irene dit ; Le Dieu tout-puiflant qui nous
a commandé de l ’aimer jufques à la mort. C ’ell; pourquoi
nous n avons pas ofé le trahir ; mais nous avons
mieux aime etre brûlées vives, ou fouffrir tout ce qui
pourroit nous arriver, què"de découvrir de tels écrits.
Le gouverneur dit ; Qpi fçavoit que ces écrite étoient
dans la maifon ou tu demeurois ? Irene répondit .• Per-
fonne ne le fçavoit , que Dieu tout-puiflant,à qui rien
n eft cache j car nous nous cachions même de nos do-
mefliques comme de nos plus grands ennemis, de peur
qu ils ne nous accufaffent ; ainfi nous ne les avons montrez
à qui que ce foit.
Le gouverneur dit ; Où vous»cachâtes-vous l’année
paflee, lorfque l’on commença à publier ce pie uxédit
des empereurs 5c des cefars ; Irene dit ; Nous nous cachâmes
ou il plue a Dieu. Nous fûmes fur les montagnes
a découvert, Dieu le fçait. Le gouverneur dit ;
Chez quiviviez-vous ? Irene répondit ; Nous étions à
1 air, allant de montagne en montagne. Le gouverneur
dit ; Qpi etoient ceux qui vous fournifloent du pain ï
Dieu, dit Irene, qui donne la nourriture à tous. Le
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gouverneur dit ; Votre pere fçàvoit-il cela ! Irene répondit
: Non,par le Dieu tout-puiflant, il ne lefçavoit
pas, il n’en a pas eu la moindre connoiflance. Le gouverneur
dit : Qui font donc ceux de vos voifinsquien
ont eu connoiflance ? Irene dit : Interrogez nos voi-
fins, informez-vous des lieux ou de ceux qui fçavcnt
où nous étions. Legouverneurdit : Quand yous fuftes
revenues des montagnes,comme vous dites,lifiez-vous
ces çcrits devant quelqu’un ? Irene répondit: Ils étoient
dans notre maifon, & nous n’ofions les en tirer ; c’eft
pourquoi nous étions dans une extrême peine, de ne
pouvoir les lire jour & nuit ; comme nous avions toujours
fait, jufques à l’année derniere, que nous les cachâmes.
Le gouverneur dit : Tes foeurs ont fouffert le
fupplice auquel nous les avions condamnées ; pour toi,
quoiqu’avant ta fuite tu aïe été condamnée a mor t ,
pour avoir caché ces, écritures, je ne veux pas que tu
meure fi promptement ; mais j’ordonne que par les fol-
dats & par Zozime bourreau public,tu fois expofée nuë
dans un lieu infâme, que tu n’aïe qu’un pain par jour
du palais , & que' les foldats ne te permettent pas
de fortir de ce lieu - l à . Quand les foldats 6c le bourreau
Zozime furent venus,le gouverneur leur dit : Sça-
chez que fi j ’apprens qu’elle ait été un moment hors du
lieu que j’ai ordonné, vous ferez punis du dernier fupplice.
Il ajouta: Qu’on tire fes écrits hors des coffres
&c des cadettes d’Irene.
Irene fut donc expofée dans un lieu public de débauché
; mais par la grâce du S. Efprit qui laprotegeoit,
pas un homme n’ofa approcher d’elle, ni lui faire , ou
lui dire rien de deshonnête. Le gouverneur la fit encore
amener devant fon tribunal, & lui dit : Pefiffe tu dans
la même folie ? Ce n’eft point dans la folie, dit Irene,
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