
4 1 § H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
que les bourreaux étoient fi las de tuer , qu’ils fe re-
laioient les uns les autres. Il dit avoir vû lui-même,
f i to t que des chrétiens étoient condamnez , d’autres
accourir de toutes parts autour du tribunal, cri fe con-
fc liant chrétiens ; 6i recevoir leur condamnation de
mort avec joie en riant &c en chantant des cantiques
d aélion de grâces jufques au dernier foupir. Il y en a-
voit entr’eux de difhnguez par leur naiflance , par leur
réputation, par la fcience & la philofophie.
Tel etoit Philorome , qui exerçoit une charge con-
fiderable a Alexandrie , & qui tous les jours rendoit la
juftice entoure de gardes, fuivant l’ufagedes magiftrats
Romains. Tel était auffi Phileas évêque de Thmoüis. Il
s etoit acquité dignement des charges publiques de fon
pais, &c etoit célébré pour la philofophie. Ces deux
etoient follicitez par une infinité de perfonnes païens &
amis, par les magiftrats , par le'juge même , de s’épargner
, & d avoir pitié de leurs femmes & de leurs en-
fans ; mais ils demeurèrent fermes, & eurent tous deux
la tete coupée. Quelque temps auparavant Phileas
étant à Alexandrie, avoir écrit à fon peuple de Thmoüis
une lettre , ou il difoit en parlant des martyrs r
ia. Qui pourroit faire le dénombrement des exemples
de vertu qu ils ont donnez ? Car comme il étoit permis
a cous ceux qui vouloient de les maltraiter, on fe fer-
voit de tout pour les frapper : de gros bâtons, de baguettes
, de fouets de lanieres & de cordes. On lioit à
quelques-uns les mains derrière le dos , puis on les at-
tachoit au poteau, & on les étendoit avec des machines
; en fuite on leur déchiroic avec les ongles de fer ,
non feulement les cotez, comme aux meurtriers, mais
le ventre,, les jambes &, les joues. D ’autres étoient pendus
par une main dans la galerie, fouffrant une douleur
L i v r e h u i t i e ’m e . 4 1 5 »
exceiïîve par l’exteniion des jointures. D ’autres étoient
liez à des colomnes contre le vifage,fans que leurs pieds
■ portaient â terre : afin que le poids du corps tirât leurs
■ liens. Ils demeuroient en cet état, non feulement tandis
que le .gouverneur leur parloir, mais prefque tout le
jourl' Car quand il paifoit à d’autres, il laifloit des o f ficiers
pour obferver les premiers, & pour voir s’il n’y
en auroit point quelqu’un qui cédât à la force des tour-
mens. Il ordonnoit de ferrer les liens fans mifericorde,&
quand ils feroient prêts à rendre lame , les détacher &
les traîner par terre. Car ils ne nous comptoient pour
rien , non plus que fi nous n’étions plus.
Il y en avoir qu’après les tourmens on mettoit aux
entraves , étendus au quatrième trou 5 enforte qu’ils
étoient contraints à demeurer couchez fur le dos, ne
pouvant plus fe foutenir. D ’autres jettez fur le pavé, fai-
I foient plus de pitié à voir , que dans l’aéfion de la tor-
I ture ; à caufe de la multitude des plaies dont ils étoient
r couverts. Les uns font morts coniiamment dans les
tourmens ; d’autres étant mis en pnfon demi-morts ,
I ont fini peu de jours après par les douleurs ; les autres
I aïant été panfez font encore devenus plus courageux
I parle temps 6e par le iéjour de la prifon. De forte que
| quand on leur a donne le choix de demeurer libres en j s’approchant des fiicrifices profanes, ou d’être condam-
I nez à mo r t , ils ont choifi la mort fans hefiter f car ils
fçavoient ce qui eft marqué dans les divines écritures :
Celui qui facrifie à des dieux étrangers fera exterminé ;
& encore :T u n’auras point d’autres dieux que moi. t x.
C ’efl: ainfi que le martyr Phileas écrivoit peu avant fa 3‘
mor t , étant encore en prifon, pour encourager fon
troupeau.
Lorfqu’il fut fur l ’échafaut, Culcien gouverneur
H h h iij