
jS o H i s t o i r e E c c l e s x a s t i q j j e .
tamie. Etant encore dans les deferts qui féparoient l'empire
Romain de celui de Perfc, il entendit parler de
M arce l, homme de grande pieté, qui demeuroit à Caf-
chare ville de Mefopotamie , ôc faifoit de grandes aumônes.
Manés efpera de le gagner, ôc par fon moïen
plufieurs autres. I l lui écrivit donc une le ttre ,d ’unchâ-
teau nommé Arabion,fur le.fleuve Stranga,Ôc l’envoïa
par un defes difciples nomméTourbon. La lettre étoit
conçue en ces termes.
Manés apôtre de J .C . ôc tous les faints ôc les vierges
qui font avec moi ; à Marcel mon fils bien-aimé, grâce,
mifericorde, paix de la part de Dieu le Pere ôc de N.
S. J . C . &: que la main droite de la lumière vtms préfer-
ve du fiecle prefent, de fes accidens Ôc des pieges du
méchant, Amen. J ’ai bien eu de la joie d’apprendre la
grandeur de votre charité : mais je fuis fâché que votre
foi ne foit conforme à la vraie doiftrine. C ’eft pourquoi
étant envoïé pour redreffer le genre humain , &
aïant pitié de ceux qui s’abandonnent à l’erreur , j’ai cru
neceifaire de vous écrire cette lettre, afin que vous acquériez
la difcretion qui manque aux do&eurs des fim-
ples. Car ils enfeignent que le bien ôc le mal viennent
du même principe -, ne difcernant pas la lùmiere des
tenebres, ni ce qui eft hors de l’homme,-d’avec ce qui
eft dedans : ils mêlent inceffamment l’un avec l’autre,
Mais pour v o u s , mon fils , ne les unifiez pas comme
le commun des hommes fait fans raifon : Ca.r ils attribuent
à Dieu le commencement & la fin de ces maux.
Leur fin eft proche de la malediètion. Ils ne croient
pas même ce que N . S. dit dans l’évangile : Que le
bon arbre ne peut faire de mauvais fr.uits, ni le mauvais
arbre de bons fruits. Et je m’étonne comment ils
ofent dire, que Dieu foit l’auteur ôc le créateur de Satan
ôc de fes mauvaifes oeuvres. Mais plut a Dieu qu ils
n’eu (lent pasfeété plus loin -, ôc qu’ils n’euffent pas d i t ,
que le Fils unique defcendu du fein du Pere eft fils d’une
certaine Marie, formé du fang ôc de la chair , ôc du ref-
te de l’imputeté des femmes. Je n’en dirai pas davantage
dans cette lettre , de peur de vous fatiguer, n aïant
p a s l’éloquence naturelle. Mais vous apprendrez tout
quand je ferai auprès de vou s, lî vous avez encore foin f
de votre falut ; car je ne mets la corde au col à perfon-
ne , comme font les moins fages du vulgaire. Comprenez
ce que je d is , mon très-cher fils.
Quand Marcel reçut cette lettre, Archelausévêque
de la ville étoit chez lui. Marcel fut furpris ; l’évêque
plein de zele grinçoit les dents, & vouloit auffi-tot aller
chercher Manés, & le prendre comme un transfuge des
barbares. ^Marcel quietoit prudent 1 adoucit, ôc voultfc
renvoïer Turbon à Mânes : mais il aima mieux demeurer
, ôc Marcel lui envoïa un des fieris en diligence „
avec une lettre par laquelle il le prioit de v e n ir , pour
déclarer fa doétrinc. Cependant Turbon expliqua amplement
à Marcel & à Archelaus tous les dogmes de
Manés : qui aïant reçu la lettre accourut à Cafchare,
Archelaus pouffé par fon zele , vouloit que , s il etoit
poffible*, on l’arrêtât Ôc on le fît mourir, comme une
bête dangereufe : Marcel crut quil falloit avoir la patience
d’entrer en conférence avec lui. Quand il fut arrivé
avec fa fuite, Archelaus étant bien préparé, par
la fcience qu’il avoit des faintes écritures, ôc par ce
qu’il avoir oüi deTurbon : la conférence fe fit publiquement
à Cafchare, ôc d’un commun accord, on prit pour
juges des païens ; fçavoir Marfipe philofophe , Claude
médecin, Eçialée grammairien , ôc Cleobule fophifte,
- & B b b i i j
Cor. tu . 0