
H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
comme devantprier Dieu même la nuit ; on s’entretient
comme lâchant que Dieu nous écoute. Après que l’on»
lavé les m ain s, & que les lampes font allumées, chacun
eft invité à chanter les loüanges de Dieu qu’il tire des
faintes écritures, ou qu’il compofe lui-même. On vo it
par là comment il a bu; le repas finit auffi par la priere ;
enfuite on fefépare, non pour commettre des infolen-
c e s , mais avec pudeur Se modeftie. Telles font les af-
fembléesdeschrétiens, nousfommes tels affemblez que
féparez, n'offenfant perfonne, n’affligeant perfonne.
Il faudroit plutôt donner le nom de fa&ieux à ceux
qui confpireat contre les chrétiens, fur ce vain prétexte
qu’ils font caufe de tous les malheurs publics. Si
le Tib re inonde , fi le N il n’inonde p a s , fi la pluye manque
, fi la terre tremble, s’il vient une famin e, ou une
perce, auiïi- tôt on crie ; Les Chrétiens au lion. Je vous
prie combien y a-t-il eu de femblables malheurs dans
le monde avant le regne de Tiberé Si la venue de J . C.
Ce font des effets de la colere de Dieu,-juftement irrité
contre les hommes ingrats & criminels. Cependant
quand lafecherefTe fait craindre la fterilité, vous lacri-
fiez a Ju p it e r , en fréquentant les bains, les cabarets &
les autres lieux de débauche: Nous autres nous cherchons
a toucher le ciel par la continence & la frugalité
, par les jeûnes, le fac & lâ'cendre ; & quand nous
avonsobtenu mifericorde, on honore Ju p ite r; mais ces
malheurs ne nous touchent point. Nous n’avons autre
intérêt en ce monde que d’en forcirpromptements' •
On nous fait un autre reproche ; on dît qâerfio'us fom-
mesi inutiles au commerce de la vie. Comment le peut-
on dire ? puifque nous vivons avec v o u s , ufant de la
meme nourricure-, des mêmes habits, des mêmes meubles.
Nous allons à vos places, à vos marchez, à yqs foi-
L i v r e c i n q j j i e ’ m e ; i j
Tes, a vos b a in s , à vos boutiques , à vos hôtelleries.
Nous navigeonsavec vous, nous trafiquons, nous portons
les armes, nous labourons , nous faifons les mêmes
métiers, nous travaillons à votre ufage. Si je ne
fréquente pas vos cérémonies, je nelaiffe pas de viv re
ce jour-là, 6c de dépenfer pour le ba in , pour la table.’J e
ne me couronne point de fleurs,mais je nelaiffe pas d’en
acheter ; que vous importe comment je m’en ferve? Je
ne vas point aux fpeclacles; mais fi j ’ai envie de ce qui
s’y v en d , j ’aime mieux l’aller acheter à fa place, il eft
v ra i que nous n’achetons point d’encens pour facrifier,
mais nous en employons plus pour les fepultures.
Mais, direz-vous, les revenus des temples diminuent
tous les jours. On ne met plus rien dans les troncs. C ’eft
que nous ne pouvons fufnre aux hommes & aux dieux
qui demandent : que Jupiter étende la main , nous lui
donnerons. Au con traire, fi on examine avec quelle
fidélité nous payons les tributs ; 6c combien ils diminuent,
par vos fraudes 6c vos faufîes déclarations, on
trouvera que ce feul article récompenfe tous les autres.
J e vous dirai ceux qui peuvent fe plaindre , qu’il n’y â c.4}.
rien à gagner avec les chrétiens. Premièrement, ceux
qui trafiquent des femmes débauchées, puis les aiTaiTins,
les empoifonneurs, les magiciens, les arufpices, les dev
in s , les aftrologues. On gagne beaucoup de ne faire
rien gagner à tous ces gens-là. Cependant perfonne ne
confidere cette perte fi grande & fi effective pour l’é ta t,
de faire périr tant d’innocens. J ’en prens à témoin vos
regiftres; vous qui jugez les criminels, y en a t-il un feul
qui foit chrétien ! Ce font des vôtres qui rempliffent
les p riion s , qui travaillent aux mines , qui font expo-
fez aux bêtes ; il n’y a point là de chré tien, où il n’y eft
qu’ à ce titre ; s’ily e f tà u n autre titre , il n’eft pluschré