
42.4 H i s t o i r e E c c l e s i a s t i q u e .
déchirez ôc tourmentezen plufieurs maniérés, ils furent
tenus jour & nuit dans les entraves écartez jufqu’au quatrième
trou ; & eurenc enfin la tete tranchee le dix-fep.
tiéme du mois Dius ou Novembre.
Romain fouffrit le même jour à Antioche. Il étoit de
Paleftine, diacre Ôc exorcifte de l’églife de Cefarée : car
en ces temps-là comme les clercs etoient en petit nombre,
ilsfaifoient fouvent plufieurs fonctions. Il fe trouva
à Antioche lorfque l’on abattit les églifes : ôc voïant
plufieurs perfonnesqui s’approchoient en foule des idoles,
hommes, femmes, enfans : cefpeCtacle lui'parut in.
frudent. Verifiep. fupportable. Il s’avança Si leur fie des reproches a haute
vo ix . Cette hardieflè fut caufe qu’on l’arrêta : ôc comme
le juge Afclepiade le faifoit tourmenter cruellement,
il ne laifloit p a s , au milieu des tourmens, de montrer
fa vanité de l’idolâtrie ÔC l’excellence du chriftianifme,
Enfin il propofa au juge d’iuterroger u n enfant innocent,
pour voir ce qu’il en diroit.
On en prit un d’environ fept ans , nommé Barulas,
Romain lui demanda lequelil valoir mieux adorer J . C,
ôc par lui le Pere , ou la multitude des dieux. L ’enfant
j-épondit : Il n y a qu’un Dieu : &c J . C .e ft le vrai Dieu.
Le juge fit approcher fa rnere, en prefence de laquelle
il le fie fouetter fi, cruellement, que le fang couloir de
tous cotez. Tous les afliftans & les bourreaux mêmes
n e pouvoient retenir leurs larmes : la mçrc l’encoura-
geoit , ôc le reprit comme d’une foibleiTe , de ce qu’il
demandoit à boire, L ’enfant fut mis en prifon , & on
recommença à tourmenter Romain , qui fut enfin condamné
au feu, & l’enfant à perdre la tete. La mere le
porta entre fes bras jufques au lieu du fupplice , & je
i donna au bourreau fans pleurer t feulement elle le baila
ôc fe recommanda à fes prières» Elle étendit fon manteau
L i v r e h u i t i e ’m e . • 42;
teau pour recevoir fe fang Ôc la tête qu’elle emporta
dans ion fein.
Cependant 011 emmena Roma in au même lieu -, on
l ’attacha au.pieu, ôc on l’entoura de bois ; que l’on ail oit
allumer. On attendoit feulement l’ordre de l ’empereur
Galerius, qui étoit prefent à Antioche. Il y avoit des
Juifs qui difoient : Ghez nous les trois enfans furent
i iuve z de la fournaife ; mais ceux-ci brûlent. Auffi-tôt
le ciel fe couvr it , ôc il vint une fi grande pluye , qu’on
ne put pas même allumer le feu. Le martyr s’écria : Où
eft donc ce feu ! L ’empereur le fit délivrer ; mais le juge
le condamna à avoir la langue coupée. Un médecin
nommé Ar i f ton , qui par foibleiTe avoit renié la fo i , fe
trouva prefent. Il avoit fur lui les inftrumens necelfai-l
tes pour cette opérat ion; car les médecins faifoient
alors la chirurgie. On fe .contraignit malgré lui à couper
la langue du martyr ; ôc il la garda , comme une re-
lique prétieufe. Le martyr fut envoie en prifon. En entrant
le geôlier lui demanda fon nom ; il le dit, ôc parla
encore depuis , a toute occaf ion; prononçant mieux
qu il ne faifoit avant qu’on lui eût coupé la langue ;
car naturellement il bégaïoit. Le juge ôc l’empereur
laiajat appris , ils foupçonnerent le médecin comme
chrétien de l’avoir épargné. On le fit venir ; il montra
l-mgue qu’il avoit gardée , §c dit : Qu’on faife venir
un homme qui ne foit point ailifté de D ie u , qu’on lui
coupe autant de la langue; s’il peut vivre après, accu-
îez-moi d’artifice, On prit un condamné, on mefura
exa&ement la langue coupée, on lui en coupa autant
Ôc aulfi-tôt il mourut. Cependant faint Roma in étoit
aux fers , où il demeura long temps, les deux pieds é-
tendus jufques au cinquième trou. Enfin la fête de la
Vingtième année du regne étant proche, comme on
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