je n’ai pu le tenir. » Strabon, Tite-Live, Sënèque, Poraponius Mêla,
Pline, Suidas, parmi les anciens, tous les auteurs et voyageurs
modernes qui s’en sont occupés, ont renoncé à en trouver
l’explication.
Voici comment je résumerai la question, d’après les observations du
Jésuite français J.-P. .Babin qui passa deux années, vers 1669, à
Ghalcis (*). Ses données, reproduites en 1686 par le Vénitien Coro-
nelli, et en 1703 par le Flamand Dapper, ont fait la base de toutes les
descriptions modernes.
Sous le pont d’Egripo, l’ancienne Chalcis, qui fait communiquer par
ses cinq arches et son pont-levis l’île d’Eubée (Négrepont) avec la
Béotie, le détroit de l’Euripe montre presque, constamment un courant
très violent; son intensité est telle qu’il fait jouer les roues de
moulins à farine. Ce courant marche tantôt dans un sens,
tantôt dans l’au tre ; mais le régime de" ses changements de
direction présente deux types essentiellement différents : parfois le
courant est r é g lé , suivant l’expression consacrée, parfois il est
d é r é g lé .
Quand le courant est réglé, il change de direction quatre fois par
jour synodique (jour lunaire de 24.8 heures) ; il offre ainsi deux flux et
deux reflux correspondant évidemment à la double marée luni-solaire.
Quand le courant est déréglé, les changements de direction sont
plus fréquents et représentent 11,12,13 et 14 reflux par 24 heures, et
même plus. Le P. Babin a mesuré la durée de l’une de ces marées à
courte période et l’a trouvée de 1 */2 heure.
C’est à des jours déterminés qu’ont lieu ces deux régimes de
l’Euripe. Le courant de l’Euripe est déréglé du 7e au 13e et du 21e
au 26e jour du mois lunaire ; il est réglé le reste du temps. Ce que
l’on doit traduire sous une forme moins impérative î le courant est
en général réglé à l’époque deg syzygîes, en général déréglé à l’époque
des quadratures.
L’amplitude de ces diverses marées est variable ; elle peut s’élever
à un ou deux pieds.
J’ai publié en 1879 Fexplication que, je vais exposer de l’irrégularité
(f) Remarques sur le flux et reflux de l’Euripe, contenues dans une lettre à
M. l’abbé Pecoil pa r le R. P. Babin, Jésuite. In Spon et Wheler, Voyage de Grèce,
etc.- II, 328 sq., Lyon, 1678.
des courants de l’Euripe Ç1). Depuis lors, j’ai eu à disposition des
documents plus précis qui n’ont fait que confirmer ma théorie.
C’est d’abord,' avant tout, des lettres fort intéressantes, des tableaux
d’observations, des cartes et plans que je dois à l’obligeance de
M. le capitaine (aujourd’hui amiral) A.-L. Mansell. Cet officier de la
marine britannique, en retraite à Chalcis depuis 1866, a étudié attentivement
les courants et les marées de l’Euripe, et ses observations
forment un riche matériel de documents de la plus haute valeur.
En 1882, le capitaine A.-A. Miaulis, de la marine grecque, a publié
un mémoire, sur les courants de l’Euripe (2), dans lequel il combat
mon explication, et attribue l’irrégularité des courants à l’action des
sources d’Aidipsos, de Gialtra, des Thermopyles et des fleuves le
Larymnos (Cëphise) et le Sperchius. A côté de cette discussion polémique,
dans laquelle je ne veux pas entrer ici, M. Miaulis donne une
foule d’observations intéressantes sur le régime des courants de
l’Euripe, sur les marées, etc. Il publie entr’autres les tableaux des
observations de M. Mansell et des siennes propres qui représentent
une bonne base expérimentale.
Enfin, en 1888, M. 0. Krümmèl a repris la question dans un article
magistral (s) dans lequel il donne raison à ma théorie et fait du
problème de FEuripe le tableau le plus complet qu’on puisse avoir
jusqu’à ce que dès appareils marégraphiques, installés dans quelques
stations, aient jugé définitivement la question.
Ces faits sont trop loin de notre lac pour que je les donne ici en
détail ; je compléterai seulement la description que j’ai tirée du
P. Babin, en ajoutant, d’après Mansell et Miaulis : Que la marée des
solstices atteint une hauteur de 65cm, celle des équinoxes 1.0m; que
dans l’état déréglé, le nombre des oscillations de l’eau varie d’un jour
à l’autre, que l’on y voit parfois 11 ou 12 vagues, d’autres fois 16 ou
18 vagues par 24 heures, ce“ qui représente des durées de 1 à
2 heures par vague (4) ; enfin, que dans le port du sud de Chalcis,
F) [Loc. oit p. 63, n° 16.];
(2) [Loc. cit. p. 64, n° 23.]
(3) [Loc. cit. p. 64, n° 29.]
(4) M. Mansell approuve entièrement la description du P. Babin ; il la déclare la
seule Complète et la seule bonne. Voici en outre quelques phrases dans lesquelles
M. Mansell décrit lui-même ce qu’il appelle la périod'e irrégulière ou les courants
déréglés des époques de quadrature : « Pendant -cette période qui dure 2 ou