les couches moyennes de l’eau se refroidissent donc moins par radiation
qu’elles ne se réchauffent par l’action rayonnante du soleil.
J’ai voulu me rendre compte de cette propriété de l’eau de laisser
passer en partie la chaleur lumineuse. Pour cela j’ai noirci la boule
d ’un thermomètre et je l’ai enfermé dans un ballon de verre plein
d’air; puis j’ai fait descendre l’appareil dans le lac, à 1.0m sous la surface,
en le laissant exposé aux rayons du soleil. J’ai vu sa température
monter notablement au-dessus de celle de l’eau ambiante. J’ai obtenu
entre autres les valeurs suivantes pour l’excès de température du
thermomètre noirci, à un mètre de profondeur, protégé par son bain
d’air contre le contact avec l’eau :
Température Excès de température
de du
Peau thermomètre noirci
27 mars 1871 10h 6.9° 6.1»
25 juillet 1873 17h 22.2 7.8 .
26 — V - 15h 23.5 8.4
1 août — 12i> 24.0 4.2
4° La conductibilité thermique de l’eau est très faible ; c’est avec
une très grande lenteur que la chaleur se propage dans une eau
immobile [conduction thermique!. M. le professeur F.-H. Weber, à
Zurich, a déterminé le coefficient de la conductibilité de l’eau et l’a
fixé à 0.0745, tandis que pour le mercure il est de 0.91 (*). De la
valeur de ce coefficient, M. Weber a tiré la vitesse de la propagation
de la chaleur dans l’eau ; il estime qu’en 24 heures la chaleur ne peut
pas se propager par conductibilité à plus de 0.3m, en une année à plus
de 6m. (2)
5° L’eau possède une capacité calorique ou une chaleur spécifique
considérable ; il faut une quantité relativement grande de chaleur
pour élever sa température d’un degré. La chaleur spécifique de l’eau
est la plus forte des corps connus ; elle est de 3 à 20 fois plus grande
que celle des métaux ; à volume égal elle est 3 000 fois plus grande
que celle de l’air.
6° L’eau pure présente un maximum de densité entre 3.9° et 4.0°C,,
de telle sorte que, à partir de ce point, l’eau devient plus légère, soit
0) Vierteljahreschrift der Zürcher nat. Ges. XXIV, 352, sq. 1879.
I2) Communication verbale.
qu’elle se réchauffe, soit qu’elle se refroidisse : l’eau la plus lourde est
celle de 4°.
7° L’eau à l’état solide a une densité plus faible que celle de l’eau à
0° ; on l’évalue à 0.92. La glace flotte donc sur 1 eau à 0°.
Ges diverses propriétés de l’eau président aux conditions thermiques
d’un lac. Essayons de caractériser celles-ci dans leurs traits
généraux.
Nous considérons ici un lac d’eau physiquement pure, non surchar- ,
gée par l’alluvion en suspension ; nous traiterons dans un autre paragraphe
de ce cas spécial.
Nous pouvons négliger l’action de réchauffement de la chaléui centrale
de la terre sur le fond du lac. D’après lés dernières recherches (*),
la chaleur qui se dégage à travers les couches de la terre suffirait à
fondre annuellement une couche de 5.2“ “ de glace recouvrant la surface
du globe. A 80 calories pour la chaleur latente de fusion de la
glace, cela représenterait la quantité de chaleur nécessaire pour élever
de 1° une couche d’eau de 0.41m, ou de un dixième de degré une couche
d’eau de 4.1m. C’est une valeur absolument insignifiante comparativement
aux autres actions thermiques qui interviennent dans les
lacs.
Nous laisserons de côté ici les causes de réchauffement intime que
nous avons énumérées sous les lettres f et g, page 290 (chaleur développée
par l’épuisement du travail mécanique du vent, et chaleur développée
par les phénomènes biologiques), de même la chaleur développée
ou dégagée par les phénomènes de condensation et d évaporation à la
surface, ainsi que par les chutes d’eau pluviale plus chaudes ou plus
froides que l’eau du lac. Leur importance est trop minimè, ou échappe
trop à notre appréciation.
Nous n’avons à considérer ici que les faits thermiques portés sur la
surface supérieure du lac par l’action du soleil et de 1 atmosphère, et
du rayonnement dans l’espace ; leur importance est seule décisive.
Par le fait de la mobilité du liquide, le lac est toujours stratifié en
couches telles que les plus denses soient au fond, les plus légères à la
surface.
(*) Report on the rate of increase of underground température. B ritish Association,
LU Meeting, Southampton 1882, p. 74, London 1883.