Pour les observer plus facilement, je les regarde à travers- un verre
fortement coloré qui protège ma vue contre l’éclat trop violent de la
lumière solaire réfléchie.
Par des observations et expériences trop longues à relater ici, je me
suis assuré que ces traits de feu sont dus à des bulles minuscules de
gaz qui s’élèvent dans l’eau et viennent éclater à la surface. Chaque
bulle, dans l’espace qui entoure l’image du soleil, donne un de ces traits
de feu. C’est au moment de l’éclat de la bulle que le phénomène lumi-
nèux apparaît.
J’ai retrouvé des apparitions analogues, mais sous forme dé traits
de feu beaucoup plus grands, plus larges, très minces au milieu dè
leur longueur, terminés en massue aux deux extrémités, quand j’ai
cherché l’image du soleil sous la pluie d’un jet-d’eau dans un étang»
Plus la goutte'd’eau qui tombe dans l’eau est forte, plus le trait de feu
est grand. Les étincelles de ces traits de feu dans ce cas apparaissent
dans un champ plus étendu que dans le cas précédent, jusqu’à 20 ou
30° du centre de l’image du soleil.
Dans l’un et l’autre cas, le trait de feu est évidemment sur le plan
même de la surface de l’eau ; il ne se développe ni dans l’air sus-
jacent, ni dans les couches d’eau sous-jacentes. ,
Mon collègue et ami M. le prof. H. Dufour, à Lausanne, auquel j ai
décrit le phénomène, m’en a proposé l’explication suivante qui paraît
exacte. Au moment où la bulle de gaz arrive à la surface de 1 eau, elle
soulève celle-ci en un cône surbaissé, qui peut réfléchir les rayons
solaires jusqu’à une distance assez grande du point central où se fait
la réflexion normale sur le plan horizontal de l’eau. Sur la petite éminence
ainsi soulevée, la réflexion a lieu suivant une des génératrices du
cône surbaissé, à savoir sur celle qui appartient au plan de révolution
dont l’axe est donné par le soleil d’une part, et son point principal de
réflexion sur le lac, pour la position de notre oeil, d autre part. Dans
ces conditions, l’image du soleil qui se produit sur le cône est une
droite dirigée comme un rayon vers le centre qui est l’image principale
du soleil.
Dans, le cas des traits de feu causés par la chute sur l’eau d’une
goutte d’eau, la réflexion est analogue au cas des bulles de gaz, avec
cette différence qu’elle ne se produit pas sur un cône soulevé, mais
sur un cône enfoncé. Sauf ce point, l’explication en est la même.
IV. Déformation de l’image réfléchie sur la surface
sphéroïdale du lac. Images de Charles Dufour.
Lorsque la réflexioh a lieu sur la surface du lac suivant un angle
excessivement faible, l’image d’un objet de la côte opposée se réfléchit
sur une longueur telle que la rotondité de la terre intervient d’une
manière sensible, et que le miroir du lac, au lieu d’être plane, devient
un miroir ■ convexe. Sur un miroir convexe, l’image réfléchie reste
renversée, mais en même temps elle est déprimée.
M. le professeur Çh. Dufour, qui le premier a étudié ce phénomène,
a soumis au calcul le cas suivant (’) : supposons que nous sommes à
Morges, l’oeil à 20™ au-dessus du lac. Nous regardons le clocher de
Montreux à 35km de distance ; le clocher est haut de 60m, sa base est
à 40m au-dessus du lac, son sommet à 100m. L’image du pied du clocher
se fait sur le lac à 14210™ de Morges, l’image du sommet à 8490™..
Cette image occupe sur le lac une longueur de 5720™. Or le clocher vu
de Morges paraîtrait sous un angle de 5',54" et son image-sous un
angle de l',43", c’est-à-dire qu’elle serait à peu près 3 fois plus
faible. Ce serait assez pour la rendre presque méconnaissable. L’image
serait ainsi déformée et réduite dans sa hauteur verticale entre le tiers
et le quart.
Lorsque M. Charles Dufour fit à la Société Vaudoise des Sciences
naturelles sa première communication sur cette question, ni lui ni moi
ne pûmes appuyer l,e calcul sur des observations directes, et l’un et
l’autre nous mîmes en doute la possibilité de constater le phénomène
dans la nature. Pour que l’apparition soit possible, il faut en effet que
les conditions thermiques de l’air et de l’eau soient telles qu’il n’y ait
ni réfractions anormales ni mirages, ce qui est ra re ; il faut en même
temps que la surface de l’eau soit calme sur une étendue considérable
; il faut enfin qu’un observateur, suffisamment attentif et assez bien
orienté sur les images produites à la surface du lac, se trouve là pour
surprendre le phénomène.
L’observation cependant en a été faite quelques jours après, le 2