b A la fin du refroidissement automnal, lorsque la couche d’eau de
température uniforme mesure des dizaines et des centaines de mètres
d’épaisseur, je ne saurais comprendre les allures de gouttes d’eau ou
de filets minces, traversant ces grands espaces sans s’égaliser avec la
température des couches traversées. Il en résulterait que les couches
supérieures devraient se refroidir plus que les couches inférieures, et
le lac présenterait dans la saison froide une stratification anormale,
instable, avec des couches supérieures plus froides que les couches
sous-jacentes; ce qui n’est pas.
c Pendant cette saison de refroidissement de l’eau, si je promène
un thermomètre à la surface du plein lac, je constate des différences
locales de température, très faibles, il est vrai, de quelques dixièmes
de degré au plus, différences qui correspondent bien à l’hypothèse de
la descente en masse, par courants d’ensemble, de la couche supérieure
refroidie.
B. Des courants horizontaux résultent, quand le lac est en stratification
thermique directe^) de réchauffement (ou du refroidissement
au-dessous de 4°) plus énergique en certains points qu’en d’autres;
dans la région littorale, par exemple, d’un côté, et dans la région
pélagique de l’autre ; ou bien dans une partie du lac échauffée par le
soleil, en opposition à une autre partie cachée dans l’ombre d’un
nuage ou d’une montagne. De ces différences de température dérivent
des différences, de densité, qui, lorsqu’elles ont atteint une valeur
suffisante, déterminent des courants dans l’eau; les couches plus
légères glissent sur les couches plus lourdes, et s’étalent à la surface
en nappe élargie.
D’un autre côté, si l’hypothèse que nous avons exposée pour la descente
en masse de l’eau refroidie à la surface est exacte, le courant
vertical descendant doit déterminer, par appel, des courants horizontaux
qui viennent converger vers le point de chute de l’eau.
3° Les courants causés par les vents.
L’air en mouvement, une brise ou un vent, en caressant la surface
de l’eau, l’entraîne vers la côte sous le vent et détermine un courant
supérieur très bien marqué. Ce courant de surface est facilement
(*) Voir au chapitre de la thermique.
visible, môme au milieu des mouvements complexes des vagues par
le transport des poussières et des objets immergés dans l’eau ; sa
vitesse, assez grande à la surface même de l’eau, va rapidement en
décroissant dans les couches sous-jacentes.
Il résulte de ce courant une accumulation d’eau vers la côte sous le
vent, et nous avons décrit, page 29, les^ dénivellations importantes
dues à cette action,.Mais une telle élévation d’eau sous le vent ne peut
pas augmenter indéfiniment ; il s’établit bientôt en compensation du
courant de surface, un courant profond, courant de retour, qui
marche en sens inverse du courant supérieur, en sens inverse du
vent. Je puis citer comme preuves de l’existence du courant de
retour :
a. Le fait que les filets profonds des pécheurs sont dans les grandes
tempêtes entraînés, parfois à de longues distances, à des kilomètres
dans certains cas, toujours dans la direction contre le vent; quand
les pêcheurs les retrouvent, ils les voient déchirés, tordus, remplis de
débris ; ils ont évidemment été soumis à un courant violent.
b. Mon observation du 2 août 1884, dans un petit lac de la moraine
du glacier inférieur de Fée, vallée de Saas. L’eau de cet étang resplendissait
de paillettes de mica ; une telle eau montre admirablement les
plus faibles mouvements du liquide par les teintes diverses, par le miroitement
que donne la lumière réfléchie sur les lamelles de mica
diversement inclinées. J’ai vu sur ce lac, un jour que la surface était
ridée par une brise légère, la formation d’un courant de surface, dans
la direction et le sens du vent ; j’ai vu ce courant s’arrêter brusquement
à quelques décimètres de la rive sous le vent, s’y heurter 'contre
une masse d’eau immobile le long de la côte, et devenir plongeant
verticalement dans la profondeur. Le courant de retour, profond, a
échappé à ma vue, l’eau trouble étant tout à fait opaque, mais je l’ai
vu remonter à la surface, le long de la rive sur le vent ; en ce point, je
pouvais constater, à quelques décimètres de la côte, le surgissement
de l’eau qui, venant de la profondeur, se relevait, s’inclinait, suivant
une ligne bien dessinée, pour reprendre ensuite la direction horizontale
du courant superficiel. (')
c. Une autre preuve de la circulation générale des eaux causée par
les grands vents est donnée par les variations de la température de
l’eau ; par un grand vent, en été, quand le lac est stratifié thermique-
(*) Archives, Genève, XII, 409,1884.