Et cependant le fait a eu lieu. L’équilibre dans ces conditions est-il
encore stable? La densité de l’eau à 0° est plus faible que celle de l’eau
à 5° ; là première doit donc flotter sur la seconde. Il n’y a dans une
telle stratification qu’une seule cause d’instabilité, c’est la présence
d’une couche entre 3° et 5° superposée à une couche de 5°. Mais en
admettant que cette couche d’eau lourde était extrêmement mince, et
en faisant attention que la couche d’eau de fusion se reproduisait sans
cesse par la chute continue de la neige, on peut comprendre comment
l’équilibre ait pu se maintenir, ou se rétablir sans cesse.
Ce fait est cependant très curieux et intéressant à noter ; il est l’un
des plus compliqués que puisse présenter la stratification thermique
de l’eau.
IV. Bilan thermique.
Les résultats numériques de mes sondages thermométriques mé
permettent de tirer des déductions intéressantes sur le rôle du lac
comme agent climatique. Le lac est un modérateur du climat, il emmagasine
de la chaleur en été, il la restitue en hiver.
Quelle est la valeur de cette action ?
Le problème se pose ainsi : Quelle est la quantité de chaleur gagnée
par le lac pendant la période çle réchauffement? quelle est la quantité
dégagée pai' le lac en période de refroidissement ?
Pour le rechercher j’établis, pour chaque jour d’observation, la quantité
de. chaleur emmagasinée dans l’eau. Une quantité de chaleur se
mesure en calories ; la calorie sera donc l’unité à employer dans cette
étude.
Il s’agit ici d’eau ; par conséquent je puis choisir, pour température
initiale à laquelle je rapporte toutes mes comparaisons, la température
■de glace fondante. Un kilogramme d’eau à 5° aura donc, au-dessus de
cette base fixe de zéro centigrade, une quantité de chaleur de 5 calories,
un kilogramme d’eau à 10°, 10 calories, et ainsi de suite..
Je considère d’abord une colonne verticale d’eau prise dans la
région de profondeur maximale du lac, de 310“ de hauteur par conséquent.
Je donne à cette colonne une section de I e“ 2. Avec une telle
section, une hauteur de 10“ représente un volume de l ks. La température
de cette eau exprimée en degrés centigrades indiquera donc la
quantité de calories emmagasinées au-dessus de la base fixe que j ’ai
choisie (0°C). Si j’additionne les mesures thermométriques faites de 10
en 10“ , depuis la surface jusqu’à 300“ de profondeur, j’obtiens ainsi la
somme de calories accumulées dans cette colonne verticale du lac.
Pour faciliter la comparaison avec d’autres calculs analogues, je préfère
employer comme unité de surface le décimètre carré. J’ai donc à
multiplier par 100 les chiffres obtenus pour ces colonnes de I e“ 2. (!j
Exemple du calcul de ce bilan thermique : Sondage thermométrique
n° 1, du 14 mai 1879!
Profondeur 0m Température 10 3°
10 7.2
20 7.0
300 5.2
La somme de ces températures me donne 177.7°, ce qui représente
177.7 calories emmagasinées par une colonne de 1e“ 2 de section, et de
310“ de hauteur, ou 17 770 calories par une colonne de l d“ 2, pour
l’amener de 0° à la température du 14 mai 1879.
Par des calculs semblables, j’obtiens les chiffres du tableau suivant,
où je donne la somme des calories au-dessus de zéro d’une colonne
de l d“ 2 prise sur la plaine centrale du Léman. Pour les dates où la
comparaison peut être utile, j’indique en outre la différence totale
entre deux sommes consécutives, et enfin le gain ou la perte en calories
pour une journée, en divisant la différence par le nombre de
jours écoulés entre les deux dates.
Sondage Date Somme des calories
au-dessus de 0°
pour l d™8
Différence
totale
Différence
journalière
ï° Ì. 1879 14 mai 17 740caL" . __cal •. . __, c:
2. — 21 juin 19 620 Q + 1880 -f- 49 O. -- 24 juillet 21 030 -j- 1410 -f- 43
4. 1 20 août 21 630 + 600 4 - 22
5 . \ : , § p l 24 septembre 20 890 — 740 — 21
6. — 23 octobre 19 290 — 1600 — 55
7. . I l l l l 19 décembre 16 590 — 2700 1 — 47
0 Cette méthode a été indiquée dans- nos Recherches sur la température du
Léman, Arch. de Genève I II,'501 et IV, 89.1880.