Si, dans la journée qui suit la prise en lamelles de glace de la surface
du lac, la chaleur diurne ne suffit pas à fondre la glace, celle-ci
augmentera d’épaisseur par sa face inférieure dans la nuit suivante, et
la congélation définitive du lac sera établie.
Deuxième type. Coagulation discrète, formation des glaçons-
gâteaux (1). — Si le lac est agité par des vagues, il sè forme à sa surface
un élément tout spécial de congélation que je désigne sous le nom de
g la ç o n -g â te a u (pan cake des Anglais); il est intéressant parce qu’il
apparaît aussi sur la mer, si j’ai bien compris les descriptions des voyageurs
polaires, et sur les fleuves qui charrient. 11 mériterait donc
d’être étudié plus attentivement. (2)
Les aiguilles de glace ballottées par les vagues s’agglomèrent en
pains circulaires de quelques centimètres d’abord de diamètre, qui,
s’entrechoquant réciproquement, restent séparés les uns des autres, et
se développent chacun pour son compte, sans se souder à ses voisins.
Chacun de ces pains se consolide bientôt en une masse de glace
et forme un glaçon distinct. Par le heurt avec les glaçons voisins, les
bords se brisent dans leurs parties saillantes à l’extérieur, et la forme
circulaire se perfectionne. Les aiguillés de glace de nouvelle congélation
et la poussière résultant du choc des gâteaux entr’eux, ces débris
de glace nageant dans l’eau ambiante sont portés par les mouvements
de l’eau sur les bords du glaçon et s’y établissent en un bourrelet de
glace friable, légère, qui surmonte le disque et l’entoure d’une couronne
blanche. Le bourrelet, s’élevant en l’air, pèse de tout son poids sur le
glaçon flottant dans l’eau, et le fait enfoncer de,quelque peu sous l’eau,
tellement, qu’une couche liquide de faible épaisseur recouvre la face
supérieure du radeau. Cette couche d’eau est mise en balancement par
les mouvements des vagues, et venant frapper le bord interne du bourrelet,
tend à le détruire ou à le repousser à l’extérieur, de telle
(1) Voyez Archives de Genève XXV, 352,1891. — F.-Â. Forel. La formation des
glaçons-gâteaux. G. Ii. Acad. sc. Paris.
(2) La description provisoire que j ’en donne se base sur mes souvenirs du charriage
du Main, à Wurzbourg, dans les hivers de 1865 à 1867/et sur mes observations
de 1891 à 1894, sur le Léman ; je n ’ai malheureusement pas su trouver l’occasion
d’aller, depuis que j ’ai défini le type des gâteaux, revoir les glaçons d’un
fleuve en grand charriage. J ’ai vu des gâteaux sur le Léman, dans la rade de
Genève, le 20 janvier 1891 ; dans le golfe de Morges en janvier 1891 ; dansle port de
Morges, dans les hivers 189Î, 1892,1893 et 1894.
manière qu’à mesure que le gâteau s’accroît en diamètre, le bourrelet
reste toujours marginal.
Le glaçon-gâteau s’accroît non seulement par sa face inférieure
comme le fait la glace lamellaire de notre premier type de congélation,
mais par toutes ses faces. Il s’accroît sur ses bords par formation de
nouvelles aiguilles qui échappent au bris causé par les choCs avec les
glaçons voisins ; il s’accroît sur sa face supérieure par congélation de
la couche d’eau qui repose sur le glaçon à moitié submergé sous l’eau.
Le gâteau s’accroît ainsi en épaisseur et en diamètre sous forme d’une
lentille plan convexe, convexe par la face inférieure, plane sur la face
supérieure, qui est surmontée par un bourrelet marginal (Fig. 115);
(Fig. 115.) Glaçon-gâteau. Coupe verticalé.
il est constitué par une glace friable, spongieuse, de lamelles superposées,
si j’en juge par les échantillons que j’ai pu étudier dans le poil
de Morges, dans les hivers de 1891-94. Il s’accroît en diamètre; j’en ai
vu de un mètre et plus de diamètre en dehors du port de Genève le
20 janvier 1891.
Les glaçons-gâteaux continuent à se développer tant que l’eau est
agitée et que le froid persiste ; s’il survient un instant de calme, ils se
soudent ensemble et la congélation définitive survient.
B. Phase d’état. Congélation établie; congélation définitive.
Une fois la lame continué établie, que ce soit par congélation
lamellaire, ou par congélation discrète en gâteaux qui se sont soudés,
si le froid persiste, l’épaisseur de la glace s’accroît par apposition de
nouvelles couches à la face inférieure de la lame.
L’épaississement, d’abord très rapide, n ’augmente plus au bout d’un
certain temps qu’avec une extrême lenteur. Il faut une très longue
durée de grandes gelées pour amener la couche de glace à dépasser
dans nos climats 30 ou 40 centimètres. C’est qu’en effet, pour qu’il y