
 
		Les diverses  substances photo-sensibles sont très différemment affectées  
 par  les  rayons  lumineux;  les  unes  sont  plus  sensibles  que  les  
 autres. Nous  aurons  donc  à  déterminer  la  limite  d’obscurité  absolue  
 pour  chaque  substance.  Jusqu’à  présent l’on  n’a  employé dans  le  lac  
 Léman que deux substances  :  le  chlorure  d’argent  et  le  bromo-iodure  
 d’argent. 
 1°  Chlorure d’argent. 
 Je  passe  rapidement  sur  mes  premiers  essais faits à Villeneuve, en  
 avril  1873. Du  chlorure  d’argent  précipité  dans  une  bouteille,  et  descendu  
 dans le lac à 60m de profondeur restait blanc après  24h  d’exposition  
 au  jour.  11  y  avait  déjà  là  indication  d’une  obscurité  absolue ;  
 mais  la  méthode  était  encore  trop  imparfaite.  J’ai dû la perfectionner. 
 Je  me  suis  adressé  au  papier  albuminé  et  salé  dès  photographes  
 que  je  sensibilise  en  le  plongeant  pendant 10 minutes dans une solution  
 de nitrate d’argent au 8 °/0,  et que je laisse  sécher dans l’obscurité.  
 Pour expérimenter  dans  le  lac, je coupe une de  ces feuilles de 6°m de  
 côté et je la place dans un appareil photographique. L’appareil  (flg. 116),  
 consiste  en  une  plaque  de  verre  de  12cnt  de  côté  
 attachée  aux quatre angles par une chaînette de métal; 
   sur la  lace supérieure, un  cadre saillant dessiné  
 par  des  bandes  de  verre,  collées  au  vernis  sur  la  
 plaque principale, reçoit la feuille  de papier sensible.  
 Celle-ci est recouverte et maintenue en place par une  
 lame de verre blanc, dont une moitié, peinte en noir  
 par un vernis opaque,  fait écran;  l’autre moitié laisse  
 passer  la  lumière ;  le  contraste entre les deux moitiés  
 permet d’apprécier l’action photo-chimique. 
 Je  vais  ensuite_ chercher  sur  le  lac  un  point  dé  
 pose  convenable,  dont je fixe la position par des repères  
 choisis sur le rivage;  j’attends  le  coucher  du  
 soleil,  et quand  l’obscurité est suffisante,  je place la  
 (Kg.  116.)  
 Appareil photographique  
 Forel. 
 feuille de papier sensible dans l’appareil, j’attache celui-ci à une ligne de  
 sonde  et  je  la  descends  dans  le  lac à la  profondeur  convenable. Une  
 bouée faisant flotteur me permettra de retrouver le tout en temps voulu. 
 Je  laisse  l’appareil  dans  le  lac  jusqu’à  ce  qu’un  jour  serein  m’ait  
 assuré  une  action parfaite des rayons  solaires;  puis je vais rechercher  
 ma  bouée  à  la  chute  du  jour,  j’attends  la  nuit,  et je relève ma sonde 
 quand  je  suis  sûr  que  la  lumière  n’affectera  plus  le  papier  sensible. 
 Je  constate  l’effet  photographique  et  je  fixe  l’épreuve  en  la  plongeant  
 pendant 5 minutes dans un bain d’hyposulfite de soude au 15 »/„,  
 en la lavant ensuite à grande eau  et en la laissant sécher. 
 Suivant  que  je  suis  arrivé  en  deçà  ou  au-delà de la limite  d’obscurité  
 absolue,  le papier photographique me revient ou bien  entièrement  
 blanc, ou  bien teinté de brun sur la moitié de sa surface  non  protégée  
 par l’écran noir. 
 11  peut  être  utile  d’apprécier  l’intensité  de  cette  action  photographique; 
   c’est  pour  cela  que-je  construis  de  la  manière  suivante  une  
 échelle  d’intensité photographique.  Je prends  une  feuille de papier sensibilisé  
 et je l’expose, par segments  successifs,  à l’air  libre,  à  un  soleil  
 brillant  pendant  des  durées de plus  en plus prolongées,  chaque durée  
 augmentée de 5 secondes  sur celle du  segment précédent. 
 Le  no  1  de mon  échelle équivaut à  5  secondes  d’exposition  
 '  2  :  ,  — ^   -10  .  — 
 3 *•  —  "  15  — 
 et  ainsi  de  suite.  Je  note  la  valeur  de  l’effet  photographique  par  la  
 durée de l’exposition  au soleil qui produit  une action  analogue. 
 Par cette méthode, j ’ai obtenu dans le lac Léman, devant Morges, en  
 1873-1874,  les  résultats  suivants  indiquant  l’effet  photographique  
 d’après  les  numéros d’une échelle  obtenue le 22 juillet 1873,  à 11h  du  
 matin, par un beau soleil d’été. 
 DATE 
 23  juillet 1873 
 DURÉE  
 . 1 j o u r 
 PROFONDEUR 
 2m 
 E F F E T   PHOTOGRAPHIQUE Numéro de  Secondes  
 -l'échelle  d'exposition àl'air  
 libre au soleil  
 100  co 
 30 juin — 2 27 1.5 7   s e c 
 11  juillet ■  —- 3 40 5 
 21 — 1 50 O 0 
 25 juin — 2 60 0 
 22 décembre L ' 1 40 5r 25 
 23 -  — — 2 50 7 35 
 23  février 1874 1 <50 30 100 
 20 janvier 1 68 0.6 3 
 15  février — 1 80 0.4 2 
 8 mars j a i l l i ■ 4 93 0.3 1