plus concentrée livre une partie de ses substances dissoutes à celle qui
l’est le moins.
Il semble que ces phénomènes doivent mélanger entièrement la
masse du lac et amener ses eaux à une composition uniforme. Et cela
paraît d’autant plus probable que, en somme, le Léman représente un
bassin de très faible profondeur. Nous avons vu (') que la profondeur
maximale du lac n’est que le, 7 « e de sa plus grande largeur, que
le 7237° de sa longueur ; si l’on faisait à l’échelle du 1 : 100 000e, un
modèle exact du lac, sa profondeur n e serait que de 3 millimètres; ce
serait l’épaisseur d’une lame d’eau répandue librement sur une table
de marbre. A première vue, dans de telles conditions, les mélanges
doivent être, semble-t-il, très actifs. Ces eaux si différentes, qu’amènent
les divers affluents et la pluie, doivent se pénétrer en une masse uniforme,
et lés faibles altérations qu’y peuvent apporter l’évaporation et
les précipitations chimiques et biologiques doivent disparaître ou être
inappréciables. J’avoue que jusqu’à présent j’ai cru à l’uniformité presque
absolue des eaux de la masse entière du lac, et j’attribuais les.
différences signalées par les chimistes à des erreurs d’analyse.
Mais en discutant plus attentivement les faits et lés chiffres, je suis
arrivé à modifier complètement cette appréciation, et j’arrive actuellement
à des conclusions tout opposées.
Je constate tout d’abord que les différences, que présentent les études
faites par le même auteur dépassent, et de beaucoup, les erreurs
possibles de l’analyse. Donc, en réalité, il y à des différences locales et
générales dans la composition de l’eau. Cela étant, les préjugés théoriques
doivent s’incliner devant l’inflexibilité des faits.
En second lieu, je viens de bien constater que l’alimentation par la
pluie et par les affluents amène dans le lac des masses d’eau de teneur
fort différente qui sont versées, la pluie à la surface du lac,' les eaux
des rivières dans des régions localisées près de l’embouchure des
affluents ou dans les grands fonds du lâc. Par l’alimentation du lac il y
a juxtaposition de masses d’eau différentes ; jusqu’à ce que le mélange
soit opéré, la composition du lac ne peut être uniforme. — Je laisse de
côté les altérations subies par l’eau pendant son séjour dans le lac ;
même celles qui proviennent de l’évaporation doivent être excessivement
faibles.
En troisième lieu, si je discute les actions de mélange, je dois reconnaître
que leur effet ne peut être ni si prompt, ni si efficace que nous
l’avons pensé jusqu’à présent.
La diffusion entre des masses d’eau de composition différente
s ’opère très énergiquement et rapidement dans un vase d’expérience
de petite taille ; mais dans un bassin qui mesure des centaines de
mètres de profondeur, et des dizaines de kilomètres d’étendue, ces
réactions de molécule à molécule peuvent être négligées. Dans le plan
limite entre deux masses d’eau différentes la diffusion peut être active
et d’effet utile; mais si la masse d’eau a des dizaines et des centaines
de mètre^d’épaisseur ou de largeur, les parties centrales ne réagiront
qu’au bout d’un temps relativement long.
Les courants mécaniques dus aux vents font-ils un mélange bien
intime des eaux en présence ? Oui, s’il s’agit dé la couche supérieure,
brassée par les vagues dans une grande tempête ; mais cette couche
ainsi tourmentée ne dépasse pas un ou deux mètres d’épaisseur. Oui,
s’il s’agit des eaux littorales à la côte sous le vent, battues par les
vagues qui Viennent rouler sur une plage ou se heurter contre une
muraille rocheuse; mais cette zone ne dépasse pas quelques centaines
de mètres de largeur, Quant aux courants de révolution interne développés
par les vents, courant d’aller superficiel, courant de retour profond,
dans les plans limités entre la couche en mouvement et la couche
immobile, il se détermine certainement des remous qui font des
mélanges. Mais cette action se borne à une couche peu épaisse, la
grande masse des' eaux subit un transport d’ensemble sans mélange
appréciable.
Il en est de même des courants mécaniques dus aux variations
locales de la pression atmosphérique
Les courants thermiques sont très probablement, eux aussi, des
courants d’ensemble;; les déplacements provoqués par les changements
de densité de l’eau qui se refroidit ou se réchauffe, se font par
grandes masses et non par filets isolés ; il y a révolution générale et
non mélange moléculaire (V. p. 277).
’ Il me paraît probable que les masses d’eau restent longtemps distinctes,
et gardent leur caractère individuel pendant des heures, des
jours, des semaines ; que, à moins de circonstances exceptionnelles,
ce n est qu’au bout d’un temps fort long qu’elles se mélangent avec
les couches ambiantes. Ce mélange s’opérera finalement, cela va sans