n’avaient jamais été relatés par personne : l’apparition d e radeaux de glace
.lamellaire au large, dans le Petit-lac. Voici le résumé des observations I
1° Le 9 février 1880, à 7h, le bateau à vapeur le Simplon,
dans sa traversée de. Nyon à Toügues, a rencontré en plein
lac de larges radeaux d’une glace transparente et cassante, de
2 à 3“ “ d’épaisseur; ces champs de glace, qui s’étendaient par-
lois à perte de vue, étaient interrompus par places, et l’eau libre
était ridée par une brise légère. Le bateau brisait facilement la
glace fragile, et les glaçons chevauchaient les uns sur les autres
(rapport de M. Nodot, capitaine du Simplon).
Le lendemain, 40 février, un matelot du vapeur le Jura a vu,
près de la Belotte, une nappe de glace analogue à celles de la
veille, qui, partant de la rive, s’avançait jusqu’à l’eau bleue.
2° Le 14 février, la congélation a repris de nouveau. Voici un
extrait du rapport de M. Provost, capitaine du Jura, qui décrit
fort bien le phénomène : « A 7M0 du matin, dans la traversée
de Nyon à Tougues, dix minutes après le départ de Nyon, j’ai
passé dans un champ de glace de 400m de.largeur; l’épaisseur
de la glace était de 2 à 3m™. Du bord de la banquise au port de
Tougues,j’ai compté4 minutes. »'(Le Jura marchant avec une
vitesse moyenne de 320™ à la minute, cela représente une distance
de 1300m). « Du côté du N.-E., la nappe de glace ne remontait
pas fort loin, mais elle s’étendait à perte de vue dans la direction
de Coppet. De Tougues à Hermance, il n ’y avait pas de
glace près de terre, mais au large, à 500m environ, je voyais de
grands champs de glace qui s’étendaient du S.-O. au N.-E. D’Her-
mance à Anières, nous avons passé tout près de la glace, sans
la loucher; mais d’Anièresà Corsier et à BeHerive, nous sommes
entrés en plein dans la glace que nous avons déchirée à grand
fracas; j ’en estime l’épaisseur à 4-5™™. De Bellerive à la Belotte,
e t jusqu’à Cologny, même nappe de glace, peut-être un peu
plus épaisse; de Cologny à Genève, m e r lib re . »
Le 15 février, au matin, la glace était fort épaisse de Bellerive
à Cologny, elle gênait presque la marche du vapeur le Simplon.
Des glaçons péchés au filet, et mèsurés sur le bateau, avaient
une épaisseur de 5-13“ “ .-La glace était aussi fort étendue sur la
rive droite, de Bellevue à Coppet. Ces champs de glace ont été
vus pendant toute la journée par des bateaux de promenade ou
de chasse.; ils étaient assez solides pour porter des bandes de
canards sauvages qui s’y reposaient ; à 4 et 5h du soir ils avaient
résisté aux rayons d’un splendide soleil de printemps.
Le 16 février, au matin, la glace s’étendait de Corsier à Cologny
; elle était fort épaisse par le travers de la Belotte et mesurait
au moins l cm d’après l’estimation du capitaine du Jura.
On reconnaissait les glaçons brisés la veille par le passage des
bateaux à vapeur, glaçons qui n’avaient pas fondu pendant la
journée, et s’étaient soudés de nouveau pendant la nuit. Ce
même jour, le capitaine du Guillaume-Tell a mesuré des glaçons
qui avaient jusqu’à 14™™ d’épaisseur. Dans la soirée, sous
l’action du vent sudois, l’air est devenu chaud et humide, et la •
glace a disparu.
3° Le lac a de nouveau été pris lé 1er mars, au matin. « Dans
ma course d’Yvoire à Genève », dit le rapport du capitaine du
Jura, « ce matin, -j’ai rencontré de la glace à partir de la pointe
de Bellerive : une nappe longue de 500m, large de 100™, à 400™
de la terre; venait ensuite un intervalle d’eâu libre de 400™,
puis de nouveau une glace plus épaisse et plus étendue. En
approchant de la Belotte, la glace venait jusqu’à terre, et s’étendait
à perte de vue dans la direction de Genthod. Elle avait
en cet endroit une épaisseur de 5 à 7m™. Une vingtaine de mouettes
se promenaient gravement sur ce radeau poli et transparent.
De Cologny à Genève, eau libre. »
Ce fut le dernier épisode de la congélation du Léman en 1880.
Cette formation de radeaux de glace à la surface du Petit-lac est
intéressante à plus d’un point de vue.
a. C’en est le premier exemple connu dans notre lac. Jamais, jusqu’à
cette apparition, le phénomène n’avait été décrit. Cependant,
comme nous allons le dire, le phénomène n’est pas très rare ; il s’est
reproduit plusieurs fois depuis lors.
b. La possibilité d’une congélation superficielle du Petit-lac résultait
de l’état thermique de cette partie du. Léman. Depuis le 8 décembre 1879,
le Petit-lac avait des eaux froides, ce qui est prouvé par les observations
de température du port de Genève qui indiquaient constamment
des chiffres au-dessous de 4°; les eaux étaient en état de stratification
inverse.
c. Le moment où le phénomène a eu lieu est intéressant par son