maie du lac, mais chercher des chiffres analogues pour une profondeur
moyenne. Cependant, si je donne attention au' fait que pendant l’été la
région littorale se réchauffe ordinairement plus que la région pélagique,
qu’elle se refroidit plus en hiver, j’arrive à l’impression que pour un
calcul qui n’a aucune prétention à une approximation serrée, je puis
assez légitimement étendre à l’ensemble du Léman les valeurs obtenues
pour la région centrale du Grand-lac. Toutes réserves étant donc
faites au sujet de la témérité d’une telle extension, voici le résultat
qu’elle me donne :
A raison de 750 milliards de calories dégagées par chaque kilomètre
carré de la superficie du Léman pendant la saison froide de 1879 et
1880, le dégagement total pour l’ensemble des 582kma du lac serait de :
436500 milliards de calories.
C’est une quantité considérable de chaleur. Mais un chiffre aussi
énorme n’est pas assimilable par l’imagination. Essayons de l’apprécier
par une comparaison, un peu triviale, mais plus intelligible. La
chaleur dégagée par la combustion du carbone est de 7800 calories;
un kilogramme de charbon brûlé à l’air dégage 7 800 calories. Donc
nos 436500 milliards de calories représentent la quantité de chaleur
qui serait dégagée par la combustion de :
55 milliards de kilogrammes de charbon,
ou 55 millions de tonnes de mille kilogrammes chacune,
ou, si l’on veut traduire autrement ce chiffre qui est lui-même énorme,
5500 mille vagons de chemin de fer, chargés chacun de 10 tonnes de
houille. Si chaque vagon mesure 6m de longueur, cela représente un
train de 33 000km de longueur. Ce train dépasserait les i/5 de la circonférence
de la terre.
Diminuons ce Chiffre de y 4, de V3 si l’on veut, pour tenir compte dé
Terreur, que nous avons commise en étendant à la région littorale le
calcul qui n’est strictement valable que pour la région centrale du lac,
et nous aurons encore une valeur suffisamment imposante. Elle réjouira
les riverains du Léman en leur montrant quel puissant calorifère est
pour eux le lac qui emmagasine en été une telle quantité de chaleur
qu’il leur rend gratuitement dans la saison froide de l’hiver.
Cela explique en partie la douceur relative d’un climat qui, au
centre du continent, à une assez grande altitude, et au pied des Alpes
serait, sans le lac, bien plus exagéré dans ses extrêmes qu’il ne Test
en réalité.
EFFET DU LAC SUR LE FLEUVE 405
Pour mieux apprécier l’action climatique du Léman, supposons pour
un instant que le lac »’existât pas ; qu’un entonnoir suffisant, situé
dans la plaine centrale, évacuât par un émissaire souterrain les eaux
du Rhône et des autres affluents. Au milieu de la vallée subalpine, il y
aurait une vaste dépression, descendant jusqu’à 62m d’altitude absolue.
Quel serait son climat? Il n’est pas besoin de beaucoup d’imagination
pour se le figurer. Ce serait en été une plaine à température très
élevée, au fond de laquelle l’air serait lourd et humide, dans la partie
occidentale tout au moins (*). En hiver, au contraire, l’air refroidi sur
les sommets des Alpes et du Jura s’accumulerait en nappe glacée dans
le fond de la cuvette, et une in v e r s io n exagérée de la température
abaisserait à un degré très bas les minimums de la saison froide. Le
climat serait extrême, en été très chaud, en hiver très froid ; au lieu
du climat tempéré, à caractère presque océanique, qui est Tapanage de
notre vallée, la plaine du Léman dépourvue de son lac souffrirait d’un
climat continental suraigu. Nous avons mille raisons de jouir de notre
lac et des avantages divers qu’il nous procure ; ces considérations de
climatologie hypothétique nous feront peut-être apprécier mieux
encore les services qu’il nous rend.
V. Effet thermique du lac sur le fleuve qui s’y repose.
Quel est l’effet du lac sur la température du Rhône ? Les eaux de
l’émissaire sont des eaux de surface ; elles sont généralement plus
chaudes que celles du Rhône du Valais, affluent principal du Léman;
elles sont souvent plus chaudes que celles des petits affluents du lac.
Le séjour du fleuve dans le lac occasionne donc un réchauffement de
ses eaux. Ce réchauffement est-il important? Essayons de l’apprécier.
Nous savons quel était le débit moyen du Rhône du Valais pour
1 année 1886 (2) ; ce n’est pas trop forcer les choses que de la considérer
comme une année moyenne. Nous savons aussi quelle était la
température du fleuve dans cette année-là (3). Nous connaissons de
(0 La partie de cette plaine traversée pa r le Rhône bénéficierait de la condensation
de la vapeur sur les eaux relativement froides du fleuve, et jouirait en
partie de la sécheresse relative de l’air de la plaine du Valais.
. (2) T . I , p . 360.
(3) T. I, p. 364.