qu’il y a formation de glace à la surface de l’eau, quoique le thermomètre
ne descende souvent pas aiirdessous de + 10°. C’est un fait
analogue que nous avons eu sur le Léman en lévrier 1880. Par ces
splendides nuits de limpidité absolue, sous une atmosphère très
pauvre en vapeur d’eau, le rayonnement était énorme, la surface de
l’eau perdait une grande quantité de chaleur et les radeaux de glace
se formaient sur le lac.
Une telle apparition est du reste plus fréquente que l’on ne le supposait.
Depuis que j’ai attiré l’attention sur ce phénomène, j’ai reçu une
foule d’observations analogues des lacs de Bienne, de Morat, de
Constance, de Zurich, etc., qui, toutes, signalent à la fin de l’hiver et
au premier printemps la production de radeaux temporaires de glace,
apparaissant sur le lac après les nuits claires et calmes, et disparaissant
sous la chaleur de midi.
J’en citerai un cas qui m’a beaucoup frappé. Le 15 mars 1886,
j’avais été invité par la Commission genevoise d’études de la transparence
de l’eau à assister aux expériences faites en plein lac, à bord de
la Ville de Genève. Nous avions passé toute la soirée sur le lac, une
splendide soirée de beau printemps pendant laquelle, quoique travaillant
en plein air, nous n’avions pas pensé à souffrir du froid. Lorsqu’à
1 heure du matin le bateau me ramena à Morges, je vis la surface du
port recouverte d’une mince couche de glace lamellaire. La nuit
n’avait certes pas été glaciale ; le thermomètre à minimum de l’Observatoire
dé Lausanne (Asile des aveugles) n’était pas descendu au-dessous
de — 2.5°, et, cependant, le port de Morges. s’était congelé.
C’était un cas de congélation nocturne printanière parfaitement
caractérisée.
Depuis les observations de février 1880, les congélations pélagiques
du Petit-lac, sous forme de radeaux lamellaires apparaissant en plein
lac, ont été constatées,à plusieurs reprises. On m’a communiqué les
cas suivants :
3 mars 1888. Cologny, Port-noir. M. Miileret, capitaine du
Dauphin.
29 et 30 janvier, 22, 23' et 24 février 1891. Dans la partie méridionale
du Petit-lac. Rapports des capitaines de bateaux
à vapeur.
1er mars 1891. De Cologny à la Pointe de la Bise. M. A. Doret,
à Genève.
1er avril 1891. En dehors de la jetée des Eaux-Vives. M. F.
Reverdin, à Genève.
19 février 1893. De Montalègre à Bpllerïve. M. A. Doret.
Le phénomène n’est donc pas aussi rare que nous l’avions cru
d’abord. S’il n’a pas été signalé avant 1880, c’est probablement parce
qu’autrefois le lac était moins parcouru en hiver qu’il ne l’est actuellement.
Peut-être aussi n’y avait-on pas fait attention, ou n’avait-on pas
cru devoir en avertir les naturalistes.
6. Congélation du Haut-lac en 4891.
Un fait, sans précédents connus, ni dans l’histoire ni dans la tradition,
s’est présenté en“février 1891 : la congélation partielle, locale,
congélation printanière, de la nappe du Grand-lac.
C’est dans le golfe de Territet à Montreux que l’apparition a surtout
été bien développée. D’après les observations de MM. H. Schardt et
C. Bührer, voici la marche du phénomène : Le 17 février, au matin
premiers glaçons entre l’hôtel Breuer et le Trait, dans le golfe de Territet
; ils disparaissent dans la journée. Les jours suivants, la formation
de glace est mieux marquée. Le 20, la glace s’étend dans le golfe de
Bon-port à Territet sur plus de 400m de largeur. La glace, quoique
brisée par les bateaux à vapeur, persiste jusqu’au soir. Le 21, la . glace
envahit le golfe de Clärens ; au soir, il en apparaît entre Chillon et Villeneuve.
Le 23, on évalua sa largeur à 1000m; des radeaux de glace
non soudés au rivage dérivent au large; le 25, nappe de glace
presque continue de Montreux au Bouveret. Les jours suivants, affaiblissement
de l’apparition qui cesse entièrement le 1er mars.
La glacé mesurait au plus l cm d’épaisseur; elle fondait ordinairement
pendant la journée, mais se reformait pendant la nuit. C’était par
un temps de calme plat : pendant le jour, la température de l’air s’élevait
à quelques degrés au-dessus de zéro ; pendant la nuit, elle descendait
à — 3°, à —- 4°. Mais, si le soleil brillait pendant le jour, la nuit
aussi était admirablement sereine; il y avait une puissante radiation.
C’était un cas de congélation printanière.
Ce n’est pas seulement dans les golfes de Montreux que le phénomène
a été observé,-On l’a signalé le 22 février dans le golfe de Vevey,
le 24 février dans la Grande Conche, entre Thonon et Yvoire, le
26 février en dehors du port de Morges, le 28 février devant Glérolle,