Nous devons la traiter comme une quantité négligeable.
Nous avons vu que, dans les couches moyennes, entre 20 et 100m
de profondeur, les courants de convection mécanique déterminés par
les vents jouent un rôle prédominant pour amener les irrégularités
d ’allure constatées dans la courbe thermique de la stratification estivale
; nous en avons conclu que ces courants sont l’agent principal
du réchauffement des couches moyennes.
Mais il est difficile de leur attribuer une action sur les plus grandes
profondeurs du lac; les courants de retour des grands vents, pour autant
que nous le savons (*), sont limités aux couches supérieures et
moyennes : les pécheurs les constatent à 20, à 40, à 60m de profondeur.
C’est un cas tout à fait exceptionnel que celui du 20 février 1879, dans
lequel on les a vu remuer le lac jusque dans les plus grands fonds
(page 281). Jusqu’à correction par des observations positives, j’attribuerai
donc peu d’importance pour le réchauffement des couches , profondes
aux courants de convection mécanique.
Les courants de convection hydrostatique ont au contraire une
action très efficace. Us sont causés par la différence de densité
qu’amène la surcharge de certaines masses d’eau par l’alluvion en
suspension.
Ainsi que je l’ai démontré (2), l’aliuvion impalpable en suspension dans
l’eau augmente la densité de celle-ci du poids môme des poussières,
moins le volume d’eau déplacé par elles. Toute eau trouble' est donc,
toutes choses "égales d’ailleurs, plus lourde que de l’eau claire, et la différence
de densité qui résulte de cet alourdissement peut être assez
grande pour dépasser en importance la différence de densité provenant
de la température. Donc des eaux de surface chaudes, ou des eaux
d’affluents, si elles sont suffisamment chargées d’alluvion, peuvent
être rendues plus lourdes que les eaux claires du lac, même que les
eaux très froides des grands fonds. Donc ces eaux chaudes descendront
le long des talus du lac, arriveront sur le plafond de la cuvette et s’y étaleront
en couche horizontale ; la conduction thermique interviendra
f1) J ’insiste sur cette réserve : pour autant que nous le savons. Nous connaissons
très mal les allures des courants de surface, nous n’avons que quelques indices
souvent trop indirects sur les allures des courants profonds. Leur étude, très difficile
du reste, a été jusqu’à présent complètement négligée p a r l’observation scientifique.
alors et réchauffera les eaux du fond du lac, par communication à
celles-ci de la chaleur des eaux chargées d’aUuvion.
Nous connaissons deux occasions dans lesquelles le phénomène peut
se manifester :
a. Dans le cas d’un grand vent, le littoral à la côte sous le vent
est balayé par des vagues puissantes, la vase de la beine est soulevée
et mise en suspension dans l’eau ; l’eau littorale devient plus
lourde, et, par convection hydrostatique, il se développe un courant
descendant qui gagne les grands fonds du lac. Je n’ai pas les éléments
pour apprécier l’importance numérique d’un tel procédé de réchauffement
des couches profondes.
b. L’eau des affluents débordés par une pluie d’orage ou grossis par
la fonte des neiges est fortement chargée d’alluvion; elle est lourde et
elle descend dans-les grands fonds du lac. C’est ce qui a lieu en particulier
pour le Rhône d’été dont les eaux grisâtres se jettent en grande
abondance dans le lac. Essayons d’appliquer un calcul approximatif à -
ce phénomène.
Après avoir reconnu que, d’après les chiffres donnés par nous pour
le transport moyen d’alluvion et pour la température du Rhône dans
l’été de 1886 (*), l’eau du fleuve avait constamment une densité plus
grande que celle de l’eau du lac à 5.0°, j’ai pris pour base de mes calculs
les données suivantes :
Le débit du fleuve dans l’été de 1886 et sa température moyenne
étant :
DÉBIT TEMPÉRATURE
Mai 1886 432' m3 sec 10.5°
Juin — 199 10.5
Juillet — 362 9.7
Août 282 9.7
Septembre — 227 9.3
Cela représente un volume total de 3082 millions de mètres cubes
apportant au lac une quantité de 30 274 milliards de calories au-dessus
de 0°.
D’autre part, j’ai mesuré le volume des couches profondes du lac et
leur ai attribué la température que nous ont appris les sondages du 25
juin 1886, N° 41.