sans absorption d’oxygène ('); cet oxygène ne peut être tiré que de la
provision de ce gaz dissous dans l’eau du lac. Nous devrions donc
constater une réduction sensible des proportions d’oxygène dans les
couches profondes du lac.
Cette objection est sérieuse. Et d’abord, la quantité d’oxygène
nécessaire, dans notre hypothèse, à la production d’acide carbonique
est énorme. Si un litre d’eau du Léman contient, en moyenne, 5cm>
d’acide carbonique en excès su r les 0.6cmS de sa teneur normale, les
89 milliards de mètres cubes de l’ensemble du lac renferment
500 millions de mètres cubes, représentant 980000 tonnes d’acide carbonique,
lesquelles contiennent 270000 tonnes de carbone et
710 000 tonnes d’oxygène. Ôr à raison de 7™3 par litre, l’ensemble des
eaux du Léman ne contient à l’état de dissolution que 890 000 tonnes
d’oxygène. Plus des deux tiers de la réserve normale d’oxygène
auraient donc dû disparaître pour fournir à la production de l’acide
carbonique (2). Et cependant les analyses de Walter nous montrent dans
toute l’épaisseur du lac de 6.8 à 7.6cmS d’oxygène par litre ¡ c’est-à-dire
presque exactement la quantité normale d’oxygène que l’eau de Surface
peut dissoudre à la température de 5°, soit 7.3cmS par litre. Il
n’y a donc pas en réalité déficit sensible d’oxygène, quoique notre
hypothèse semble exiger une réduction de ce gaz au tiers au moins
de la teneur constatée.
Pour résoudre cette difficulté, nous devons faire intervenir ici les
phénomènes de diffusion. L’oxygène des couches' profondes est en
partie employé pour la combustion des matières organiques ; par diffusion,
les couches superficielles qui sont constamment aérées et satu-
rées d’oxygène, livrent, de proche en proche, la quantité de ce gaz
nécessaire à combler le déficit. L’activité de la diffusion verticale de'
haut en bas est exagérée par la capacité croissante des couches profondes
pour la solution gazeuse, capacité qui augmente directement
avec la pression. Dans ces conditions, il parait probable que la diffusion.
est relativement assez rapide et assez puissante pour nous expliquer
la constance de la teneur en oxygène, depuis la surface jusqu’au fond
(() Une partie de l’acide carbonique contenu dans le lac doit provenir directement,
sans consommation d’oxygène, de la putréfaction des m atières végétales qui
se décomposent en méthane (gaz des marais) et acide carbonique.
(-) Ajoutons qu’il faudrait encore tenir compte ici de la quantité considérable
d’oxygéne dégagé dans l’eau du lac pa r la fonction chlorophyllienne des végétaux.
du lac. — Mais, dira-t-on, pourquoi n’en est-il pas de même en sens
inverse pour l’acide carbonique '? Si la diffusion est assez puissante
pour combler de haut en bas le déficit de l’oxygène, pourquoi ne
débarrasse-t-elle pas de bas en haut, l’eau du lac, de son excès énorme
d acide carbonique? Amené à la surface du lac, cet acide carbonique
se dégagerait dans l’atmosphère jusqu’aux 0.5 ou 0.6cm3 par litre que
l’eau sans pression est capable de dissoudre ; la diffusion devrait de
même ramener à cette faible teneur en acide carbonique l’eau des
couches profondes. Le cas n’est point du tout le même que pour
1 oxygène. De la surface au fond du lac, la capacité de l’eau pour lés
gaz va eh augmentant avec la pression. Etant donnée la pression considérable
qui règne dans les couches profondes, celles-ci ne sont pas
suisaturées d acide carbonique; ii n’y a nulle part excès d’acide
carbonique. Je mettrai en regard la quantité d’acide carbonique que
seraient capables de dissoudre les couches de l’eau du lac à 5°,
d’après la formule de Bunsen, et les quantités que Walter a trouvées
dans ses analyses de novembre 1880 :
Profondeur. Saturation à 5°. Analyses Walter. Différence.
0 m 0.6 cm3 2.8 cm3 -]_ 2 .2CI1:i:
60 3.6 2.9 fArfr' 0.7
100 6.0 6.6 + 0.6
150 9.0 6.2 ; — 2.8
200 12.0 5.5 H 6.5
_ 300 18.0 5.3 — 12.7
Il n y a d excès notable que dans la couche de surface qui contient
cinq fois plus d’acide carbonique que ne lui en attribue la formule ;
nous devons croire qu’il y a par la surface un fort dégagement d’acide
carbonique dans l’air et que l’équilibre doit tendre à se rétablir ; dans
la couche à 100m, il y a de même un léger excès, mais il est si faible
qu on peut 1 attribuer à une erreur d’analyse. Pour les autres couches,
l’eau du lac est très loin d’être saturée d’acide carbonique ; la diffusion
ne doit donc pas se produire de bas en haut.
En attribuant à la diffusion la capacité de maintenir la teneur en
oxygène des couches profondes du lac, je ne crois pas être en opposition
avec ce que je disais (page 605) sur le peu d’activité de la diffusion
pour mélanger les masses d’eau versées par les divers affluents à
la surface du lac. Dans ce dernier cas, il s’agissait d’une action rapide,