6° Dans les lacs à émissaire, le courant qui transporte l’eau de
l’embouchure des affluents à la sortie de l’effluent est une cause de
dénivellation constante ; nous allons l’étudier sous le nom de pente
du lac.
Ces six causes de dénivellation peuvent-elles agir sur le niveau du
Léman'? C’est ce que je vais discuter rapidement.
1" La marée n’existe pas sur notre lac, comme nous le constaterons:
dans un paragraphe suivant; les variations de ses allures ne sauraient
donc avoir une action de dénivellation.
2° Les courants existent dans les eaux du Léman, mais la cons-
tancè et la régularité leur font absolument défaut ; ils se dirigent tantôt
dans un sens, tantôt dans un autre. Je ne connais aucune région du
lac où il Fègne un courant constant. Il n’y a donc pas de possibilité
d’attribuer aux courants du Léman aucun effet de dénivellation constante.
On doit même se demander si les courants peuvent réellement être
cause de dénivellations. Ils sont causés eux-mêmes, le plus souvent,
par des dénivellations, et ils ne peuvent pas être à la fois cause et.
effet. Cependant on peut concevoir un port ouvert en entonnoir e t
présentant son embouchure à un courant dont un bras, par sa force
acquise, maintiendrait l’eau dans l’intérieur du port à un niveau plus
élevé que dans le reste de la nappe liquide. Une action de cette nature
demanderait, pour être sensible, l’intervention de courants bien plus
puissants que ne le sont ceux de notre lac.
3° et 4° Les dénivellations dues à des différences de densité de l’eau
semblent impossibles, l’eau du lac et celle de ses affluents étant 1 une
et l’autre de l’eau douce. Nous aurons, au chapitre de la thermique, à.
signaler de curieux faits de dénivellation des couches profondes, mais
rien ne prouve que ces différences de niveau se manifestent à la surface
du lac.
5° Les dénivellations temporaires dues à l’action des vents existent
sans contestation, ainsi que nous allons l’étudier plus loin. S’il v avajt
prédominance d’un vent particulier du lac et une certaine constance
dans sa direction et son action, on pourrait concevoir comment des
dénivellations temporaires, se répétant souvent dans le même sens,,
pourraient agir sur la moyenne et causer des dénivellations du niveau
normal du lac.
Mais les vents qui régnent sur le lac ne présentent en rien ce degré
de constance; c’est ce qu’une revue rapide de leurs caractères montrera
facilement.
Les brises locales, qui seules sont un peu régulières, ne doivent
absolument pas entrer en ligne de compte ; qu’elles soufflent du lac
sur la terre (rebàt) ou de la terre sur le lac (morget), elles vont en
s’irradiant du centre du lac vers les bords ou en sens contraire; elles
ne peuvent donc pas avoir d’effet de dénivellation d’une côte à
l'autre. (r)
Les vents d’orage descendent tumultueusement des montagnes
avoisinantes (joran, bornan* molan, certaines vaudaires) et, frappant
la surface du lac avec l’impétuosité que l’on sait, déterminent des
dénivellations temporaires très fortes, dont j’ai de beaux exemples sur
les tracés de mon enregistreur de Morges, et que j’étudierai plus loin,
lorsque je rechercherai la cause des seiches. Mais les vents d’orage
n’ont aucune constance et aucune régularité: leur effet ne peut donc
pas se traduire sur les moyennes. (2)
Quant aux vents généraux, nous avons vu (3) que les deux
vents principaux, la bise et le sudois, ont à peu près la même fréquence
(42 et 44 jours par an, si je compte seulement les courants
d’air d’intensité égale ou supérieure à 2); les autres vents généraux,
vandaire et joran, sont plus irréguliers et de moindre importance dans
le régime anéniométrique.
La direction des vents locaux et généraux est trop variable sur notre
lac pour que les courants d’air puissent avoir une action dé dénivellation
constante.
6° La pente du lac existe, comme nous allons le voir, mais elle n’est
pas assez forte pour être constatable par des observations iimnimétri-
ques, ailleurs qu’à la sortie du lac, à Genève.
En résumé, le raisonnement ne nous montre,ôn fait de dénivellations
dynamiques possibles sur le Léman, que celle de la pente du lac ; au-
. cune des autres causes de dénivellation ne peut agir d’une manière
constante.
Si ces conclusions sont exactes, nous devons trouver le lac de niveau
sur ses différentes côtes, et des limnimètres bien repérés doivent
(*) T. i, p. 307.
f ) T. I, p. 827.