nous l’avons étudiée avec nos collègues de la Société helvétique des
Sciences naturelles, d’un vert clair, brillant, presque jaunâtre (n° Vili
de ma gamme) ; elle différait manifestement de l’eau des lacs voisins,
lac de Còme et lac Majeur, dont le ton, beaucoup plus sombre, avait
une nuance plus bleue et était suivant mon estime des nos VI ou VII.
Si je fais intervenir la notion de transparence, j’ai l’explication de cette
différence. Dans le Verbano, le 4 septembre, dans le Lario, le
6 septembre, la limite de visibilité était par 6m de profondeur ; dans le
Ceresio, le 8 septembre, la profondeur limite de visibilité était 3m;
l’eau était presque trouble; une pêche pélagique m’a montré la cause
de cette turbidité dans une multitude d’algues floconneuses, jaunâtres,
qui faisaient virer au vert brillant, au vert clair, le vert glauque ou
sombre des laes insubriens, f1)
Ces trois exemples, que je pourrais facilement multiplier, suffisent à
montrer que l’effet des poussières organisées peut être grand, et peut
modifier dans divers sens la teinte fondamentale des lacs.
En résumé, la question de la couleur des lacs doit se résoudre dans
les termes suivants :
I. La couleur fondamentale de l’eau pure est le bleu d’azur. Cette
couleur n’est pas modifiée par la dissolution de substances incolores.
II. La teinte fondamentale de l’eau est modifiée par la solution dans
l’eau de substances jaunâtres qui la font virer vers le vert. Dans les
lacs de l’Europe centrale, c’est l’acide humiqué des eaux tourbeuses
qui intervient et donne à l’eau des lacs une nuancé bleu verte,
glauque.
III. La nuance fondamentale de l’eau vire du côté du vert, du brun,
du rouge, du jaune par la présence d’organismes végétaux ou animaux
colorés qui se développent en nombre suffisant dans l’eau.
IV. Dans le rayon vertical, le ton de l’eau est assombri (relevé) par
le fond noir des couches profondes non éclairées du lac.
V. Le ton de l’eau est abaissé, éclairci par la présence dans l’eau de
poussières organiques, ou d’organismes incolores, qui font diffuser la
lumière en opalinisant l’eau.
■ VI. Dans les eaux peu profondes, la couleur du sol éclairé intervient
(■) Actes de Lugano S. H. S. N, p. 39. Lugano 1889. — Archives Genève, XXII,
373,1889.
pour altérer la nuance de l’eau, en la faisant notamment virer vers le
vert dans les lacs bleus. Cette action est d’autant plus évidente que les
eaux sont plus chargées de poussières..
. VII. L’alluvion impalpable des eaux torrentielles qui reste en suspension
à la surface du lac y forme des taches colorées, limitées, verdâtres,
jaunâtres, dont la couleur divergente s’atténue à mesure que
l’alluvïon se précipite, ou que ces eaux se mélangent avec la grande
masse du lac.
VIII. L’éclairage enfin modifie le ton de l’eau; sous l ’ombre d’un
nuage, l’eau est plus sombre que dans la partie éclairée par le soleil.
Cet effet est d’autant plus sensible que les eaux sont plus opalines ou
troubles.
111. PHÉNOMÈNES DE RÉFLEXION
Nous décrirons, sous ce titre, la couleur superficielle du lac et les
images qui contribuent à la produire; puis quelques apparitions qui se
développent à la surface de l’eau.
1. Couleur superficielle. Couleur apparente.
Si de la rive, ou à distance, nous regardons le lac, nous le voyons
comme une grande surface colorée de nuances, de teintes et de tons
très différents suivant les circonstances. Son apparence n’a rien de
constant ; une diversité très mobile s’observe d’un jour à l’autre; c’est
peut-être ce qui fait le plus le charme incontestable des paysages
lacustres; c’est cette variété toujours nouvelle d’aspects, sans cesse,
changeant, et toujours intéressants.
Trois facteurs entrent en jeu dans Ces changements incessants de
ce que nous appelons la couleur superficielle et, par leur combinaison
à chaque instant modifiée, donnent ces mille, tableaux qui nous fatigueraient,
si au lieu de les admirer, nous voulions tous les décrire. Ce
sont :
1° L’état de calme ou d’agitation de la surface.
2° L’état du ciei et de la lumière,
3° La couleur propre de l’eau.