1° L ’état d’agitation de l’eau. Si le lac est parfaitement calme, il fait
l’office d’un miroir et réfléchit dans sa glace les montagnes de la rive
opposée et le ciel. Si le calme est absolu, si le lac est p la t comme
un m iro ir suivant l’expression populaire, si pas une ride ne viept
agiter la surface plane de l’eau, comme cela a lieu souvent "sur des
lacs plus petits, et comme cela s’observe parfois sur le Léman, l’image
est très nette et très fidèle. Nous voyons la côte opposée, ses accll
dents et ses détails, les blancs clochers de ses églises, et la silhouette
de ses montagnes. Cette image peut même être assez précise pour que
nous puissions observer la déformation singulière des objets réfléchis
à l’horizon que je décrirai sous le nom d’images de Ch. Dufour, dans
un paragraphe subséquent.
Ce cas est très rare, et même par le grand calme de l’air, ordinairement
le miroir du lac est plus ou moins altéré dans sa tranquillité
optique. Quelques lames mortes provenant d’un coup de vent dans
une région quelconque du lac, les vagues d’un bateau à vapeur qui a
passé au près ou au loin, ou le sillage d’une simple péniche, suffisent
pour altérer un peu l’image de réflexion, pour éteindre la netteté des
contours, pour voiler l’éclat du miroir. Mais la couleur générale- est
toujours respectée, et quand même les détails ne sont plus discernables,
le lac nous montre alors sa large nappe divisée en deux par
une ligne ondulée : l’une à l’horizon, violacée ou de teinte neutre,
représente la côte opposée et l’ombre de ses montagnes; l ’autre à nos
pieds, bleuâtre, blanchâtre ou jaunâtre, est l’image du ciel bleu, si pâle
à l’horizon, dans nos climats brumeux.
Mais aussitôt que le moindre souffle de vent vient rider la surface
de l’eau, le spectacle change absolument. La rive opposée disparaît
dans l’image du lac, et celui-ci prend une teinte générale, bleue, blanche,
violacée, noire, suivant les circonstances. La surface de l’eau ne représente
plus un miroir, mais une multitude de surfaces courbes, orientées
suivant mille plans différents, dans des directions générales
cependant à peu près les mêmes. Les rayons visuels jouent, der
façons fort diverses, sur ces miroirs.
En effet, si le rayon visuel vient frapper une surface limite de deux
milieux transparents, diversement réfringents, l’optique nous apprend
qu’une partie du rayon est réfléchie, que l’autre-est réfractée..Une
partie est réfléchie suivant la loi que l’angle de réflexion est égal à
l’angle d’incidence; l’autre est réfractée le sinus de l’anglë d’incidence
et le sinus de l’angle de réfraction sont dans un rapport tou-
COULEUR SUPERFICIELLE
étant connu sous le nom d’indice de réfraction.
Soit N N (fig.- 121), la surface de l’eau. Une partie seulement du
(Fig. 121.) .Rayons réfléchis et rayons
réfractés.
rayon incident Sri arrive à l’oeil sous
la forme de lumière réfléchie 1 0 ;
l’autre pénètre dans l’eau sous forme
de lumière réfractée AR et illumine
les couches supérieures du lac. (*)
Mais cètte dernière, la lumière^,réfractée,
revient cependant à l’oeil
d’une autre manière. Ces couches
supérieures illuminées renvoient de
la lumière diffuse, et chaque rayon
de cellemi est réfracté à la sortie de l’eau. Le rayon R 'A sera réfracté
à son entrée dans l’air et arrivera en AO dans la direction de, mon
rayon visuel. Or les angles-« e t« ', p et p' sont égaux; on peut donc '
admettre que, dans îë rayon .qui arrive à l’oeil, il y a la même proportion
de lumière émise, venant dès couches éclairées du lac; que le rayon
incident en avait perdu par réfraction, lors de la réflexion sur la surfaee
de l’eau. Par conséquent la somme des quantités de lumière, réfléchie et
réfractée, est toujours la même, et est égale à la quantité de lumière incidente
(2). Mais si la somme est toujours la même, la proportion de ces
deux valeurs varie suivant l’angle d’incidence; la quantité de lumière
réfléchie décroît, la quantité de lumière réfractée croît à mesure que
l’angle d’incidence devient plus grand. Quand l’angle d’incidence est
très petit, quand le rayon visuel arrive en rasant presque la surface
limitante, le rayon est tout entier ou presque tout entier réfléchi, la
quantité réfractée est nulle; la surface limitante fait l’office d’un miroir
et nous ne voyons rien du corps sur lequel vient se faire la
réflexion. Quand au contraire l’angle d’incidence est très ouvert, qu’il
se.rapproche de l’angle droit, la réflexion est presque nulle, et tout le
rayon pénètre dans la profondeur. L’on ne voit dans l’eau que les .
.(*) Qu’on me le pardonne I J ’ai appelé ici angle d’incidence, ee qui, dans le lan gage
ordinaire de la physique, e st le complément de cet angle. ' ■
J 1 9 B H B R I I P“ esaete- 11 I a toujours , une certaine
q antité de lumière absorbée, ou si 1 on veut éteinte, soit dans le phénomène de la
reflexion, soit: dans le passage à travers une couche d'eau de la lumière réfractée
M B B i relativement faible, et pour le sujet qui nous occupe, il nous est
permis de n en pas tenir compte. •