Mes diverses expériences donnent des valeurs oscillant de 7 à 15m?
par litre pour la quantité de poussière qui arrête la limite de visibilité à
1.0m de profondeur. Si je prends le chiffre moyen de 10™*' par litre, je
conclus que la quantité de matières minérales en suspension dans
l’eau qui, agissant seule, détermine la limite de visibilité aux diverses
profondeurs, est :
Limite de visibilité 1» Poussières en suspension 10me par litre.
2 '■ V- 5
M 10 i
- 20 - - 0.5
Si, au lieu des poussières minérales dont la densité est 2.6, nous prenions
des poussières organiques beaucoup plus légères, ces chiffres,
remarquablement faibles, devraient être encore sensiblement diminués,
être divisés par 2 ou par 3.
La quantité de matières en suspension qui cause l’opalinité des eaux
du lac est donc extrêmement faible. Elle est très inférieure en valeur à
la quantité de matières en dissolution dans ces mêmes eaux, qui est
de 175m£ par litre, comme nous le verrons plus tard.
Dans ce même genre d’étude, j’ai cherché quelle épaisseur de limon
rend l’eau opaque. Voicî'le résultat d’une de ces expériences : 13^ de
limon sec dilués dans 1500s? d’eau donnent une opacité absolue sous une
épaisseur de 26mm. Si j’admets pour la densité de ce limon 2.6, cela
représente une épaisseur dé 0.004mm de limon sec. Une couche de 4
millièmes de millimètre d’alluvion lacustre suffit donc, je ne dirai pas
pour arrêter la lumière diffuse, mais pour empêcher de distinguer un
corps éclairé.
Ces chiffres n’ont pas une rigueur absolue et varieraient avec la
nature de l’alluvion. Mais ils sont intéressants en donnant une idée suffisante
de l’ordre des grandeurs dans lesquels ils se meuvent.
Quelles que soient l’origine et la nature de ces poussières et corps
figurés, ceux qui sont plus légers que l’eau viennent tôt ou tard flotter
à la surface, ceux qui sont plus lourds descendent dans le fond. Ascension
et descente se font d’autant plus vite que la différence de densité
entre eux et l’eau ambiante est plus grande, et que la masse de chaque
corps flottant est plus forte aussi ; les poussières impalpables restent
longtemps, fort longtemps en suspension ; tôt ou tard cependant, les
unes et les autres finissent par monter ou par descendre. En revanche,
les corps et les poussières grossières ou impalpables qui ont exactement
la même densité que l’eau restent, eux, indéfiniment en suspension;
ils flottent dans l’eau sans s’élever et sans descendre.
Quelles sont les causes de la plus grande turbidité des eaux d’été?
Elles sont multiples.
1° Nous devons noter en premier lieu, sans vouloir dire par cela que
ce soit la cause la plus puissante, le plus grand pouvoir absorbant de
l’eau chaude. Quelques réserves que nous ayons faites sur la valeur du
coefficient d’absorption tel qu’il a été déterminé par M. Wild, le fait est
constant et indiscutable que l’eau chaude absorbe plus la lumière que
l’eau froide.
2° Le plus grand développement de la vie organique, dans les eaux
chaudes de l’été que dans les eaux froides de l’hiver. Microzoaires,
microphytes, microbes pullulent en plus grand nombre dans les eaux
chaudes; c’est un fait d’expérience banale.
3° Les eaux d’été sont stratifiées thermiquement, celles d’hiver ne
le sont pas. En été, il y a dans le lac des couches superposées passant
de 4 ou 5° dans le fond à 24° à la surface, dont la densité varie, comme
nous le verrons, de 1.0002 à 0.9976 ; en hiver, depuis la surface jusqu’au
fond, les eaux ont la même température, par conséquent la
même densité. Il en résulte qu’en été un beaucoup plus grand nombre
de corps figurés de densités différentes et même assez divergentes,
peuvent trouver une couche qui ait la même densité qu’eux-mêmes et
doivent par suite flotter entre deux eaux.
Je me rappelle avoir vu un fragmènt de roseau rester en suspension
à 30 centimètres sous l’eau, devant mon jardin à Morges, entre deux
couches de densités l’une plus forte, l’autre plus faible que la sienne.
Il y avait évidemment ce jour-là une stratification thermique très
intense.
4° Pendant l’été les eaux de surface forment une Couche hien nettement
séparée et distincte dés eaux moyennes sous-jacentes; ces eaux,
toujours les mêmes, restent pour ainsi dire stagnantes et, ne se mélangeant
pas avec la grande masse des eaux lacustres, gardent en suspension
les poussières qui s’y accumulent. En automne et en hiver, au
contraire, la convection thermique renouvelle sans cesse les eaux de
surface qui disparaissent bientôt par leur chute dans la profondeur