intense et bien plus distincte, masque et éteint l’ombre diaphane et
légère, l’ombre à peine sensible due à la différence d’illumination des
poussières de l’eau. Le phénomène du fantôme d’ombre ne se produit
donc pas dans une eau peu profonde, à moins qu’elle ne soit assez
opaque pour masquer absolument le fond. Dans ces conditions de non
transparence de l’eau, j’ai vu le fantôme, même dans la région
de la beine ; mais alors le phénomène tend à se rapprocher de
l’ombre portée sur les corps opaques ét n’a pas 1 éclat et le chai me
qu’il présente sur l’eau bleue dans les belles journées de l’hiver et du
printemps. Si l’on me demande des chiffres, je dirai que le fantôme
d’ombre , est encore visible sur le lac lorsque l’eau est assez transparente
pour permettre de voir le fond sous trois mètres d épaisseui,
au contraire, lorsque le fond est invisible sous une couche d un
mètre d’eau, l’ombre portée à la surface de ce liquide presque opaque
est tellement visible, que l’illumination de l’eau elle-même n’apparaît
qu’en sous-ordre et accessoirement.
Or l’ombre de l’observateur, portée sur l’eau profonde et très faiblement
opaline du lac, le fantôme d’ombre présente cela de particulier
d’être entouré le plus souvent d’une gloire très brillante.
On appelle, en physique, g lo ire , un phénomène optique consistant
en une auréole brillante qui entoure en certains cas spéciaux l’ombre
de l’observateur. L’on a signalé, à ma connaissance, des gloires apparaissant
dans les circonstances suivantes :
1» L’observateur tourne le dos à un soleil brillant sur un sol herbeux,
sur un terrain labouré ou rocailleux; il voit son ombre, et en
particulier l’ombre de sa tête, entourée d’une zone brillante, plus éclatante
que le reste du terrain. Winterfeld en a donné, en 1795, .1 explication
suivante : Si l’on se représente tout le firmament parsemé de
lunes, l’on comprendra facilement que la région du ciel la plus brillante,
la plus brillamment illuminée, serait celle qui entourerait l’ombre
de la terre. Dans cette région, toutes les lunes seraient à lé ta t de
p le in e s lu n e s ; dans les autres régions du ciel, elles ne seraient qu’à
l’état de q u a r t i e r s ou de n o u v e lle s lu n e s . Il en est de même des
herbes, des grains de sable, des cailloux, qui, pour notre oeil, sont
d’autant plus brillamment éclairés et nous montrent une plus faible
partie de leur face ombrée qu’ils sont plus près de la région anthé-
tique ou de l’ombre de notre tête.
2° L’observateur regarde une prairie couverte de rosée exposée au
soleil levant ; l’ombre de sa tête est entourée d’une auréole souvent
très éclatante, tantôt de reflets nacrés répandus à la surface des
feuilles, tantôt d’étincelles fixes et isolées. M. Lommel explique cette
gloire en l’attribuant à la réflexion totale de la lumière du soleil au
travers de la goutte sphérique de rosée sur la face opaque de la feuille
qui la porte, sans être mouillée par elle. ( ’)
Dans ces deux cas, la gloire est due à un phénomène relativement
simple de réflexion ; la variété de gloire que j’ai à décrire a sa cause
dans des phénomènes assez compliqués, et la théorie de sa production
nécessitera quelques développements.
Cette gloire entoure d’une auréole brillante l’ombre de la tête de
l’observateur lorsque cette ombre est portée sur l’eau. L’auréole est
formée de rayons divergents partant d’un centre au milieu de l’ombre
de la tête, rayons alterpativement plus brillants et plus sombres que
la teinte générale de 1 eau, rayons fort inégaux dans leur longueur, ne
venant pas nécessairement toucher le bord de l’ombre, rayons fort
inconstants, apparaissant et disparaissant instantanément, se déplaçant
sans cesse, ne se fixant jamais. Ces rayons ne sont pas absolument
rectilignes ; ils sont plutôt légèrement ondulés. Ils ne convergent
pas parfaitement vers un même centre ; leur convergence est
plutôt une direction générale vers l’ombre de la tète plutôt qu’une
figure absolument géométrique. L’auréole devient visible 'lorsque
1 ombre est portée sur une eau assez profonde ou assez opaline pour
que l’oeil ne distingue plus le fond lorsque cette eau est agitée par des
vagues; le phénomène est d’autant plus brillant que le soleil est plus
resplendissant et plus haut sur l’horizon, que la surface de l’eau est
agitée par des vagues plus entre-croisées, plus petites et plus nombreuses,
que l’eau enfin, sans être opaque, est plus louche, est plus
opaline.
C’est , sur le lac Léman que j ’ai étudié cette gloire, dans la région
profonde connue sous le nom d ’e au b le u e , là où l’oeü ne voit plus le
fond, ou sur les bords lorsque l’eau était assez sale pour masquer
absolument le sol. Ce phénomène s’observera sur toute eau où les conditions
de sa production seront remplies.
Cherchons l’origine de ces rayons lumineux divergeant autour de la
I M a Lo™™el ■ Uaber den Lichtschein um den Schatten des Kopfes. P o ^ e n -
dorffs Jubelband, p. 10 sq. Leipzig, 1874. ■