lune, des grandes planètes, Vénus et Jupiter, ou simplement-d’une
lumière éclairant au milieu de la nuit.
On connaît ces brillantes traînées lumineuses, ces bandes d’étincelles
sautillantes, réfléchies par la surface miroitante du lac agité. Ce
c um a ta g e , comme on l’appelait autrefois (*), varie beaucoup d’éclat
suivant l’état de la surface du lac. Il est causé en effet par la réflexion
du point lumineux sur la surface des vagues; or celles-ci ne renvoient
à l’oeil l’image de l’astre que dans le point où le plan formé
par le miroir est perpendiculaire au plan de réflexion arrivant à l’oeil,
l’angle d’incidence étant égal à l’angle de réflexion. C’est ce qui aurait
lieu, d’après ce que nous venons de dire de l’image formée sur les
surfaces cylindroïdes des vagues, pour toutes les vagues situées dans
le plan vertical limité par les bords de l’astre, si les vagues avaient
toutes leurs arêtes bien régulières, perpendiculaires à ce plan. Toutes
les fois que l’arête des vagues lui est oblique, le,plan de réflexion qui
arrive à l’oeil est dévié de la verticale, et l’image apparaît à droite ou à
gauche de cette verticale. Or comme la régularité, le parallélisme
absolu est l’exception dans le cas des vagues, comme il y a toujours
■— surtout lorsque les vagues d’un vent un. peu violent se compliquent
de rides superposées — de nombreuses déviations de la direction
générale, il en résulte que les vagues, renvoyant l’image du corps
brillant dans la direction de l’oeil, s’éloignent plus ou moins du plan
vertical et que la traînée lumineuse s’élargit. Quand le lac est très
agité, par une bise violente, par exemple, la traînée pèut prendre des
dimensions considérables et soustendre jusqu’à 40 ou 50°.
Quand la.surface du lac est ridée, par places seulement, par une
brise légère, on reconnaît à distance la position de ces coups de vent
par la traînée lumineuse qu’ils réfléchissent, et qui se détache nettement
des places obscures où le lac est calme.
Quand la surface dû lac est ridée par ces brises légères, dont les
vagues sont bien régulières, on peut reconnaître à distance la direction
des vaguelettes d’après la règle suivante : Ta traînée lumineuse
est portée à droite du plan vertical de l’astre, lorsque les arêtes, des
vagues sont obliques de droite à gauche et d’avant en arrière ; elle est
portée à gauche lorsque les vagues sont obliques en sens inverse,.
(fl-Ce mot a été retrouvé par M. H. de Parville (le Correspondant. Paris, novembre
1888). Il n’est donné ni dans le dictionnaire de l’Académie, ni dans Littré.
Les corps brillants, le soleil, la lune, une lumière artificielle, réfléchis
à la surface du lac, semblent prendre dans leur tramée lumineuse
une part plus considérable que celle qui leur revient, étant donnée la
grandeur de leur image réelle. Cela s’explique par l’action d’irradiation,
sur la rétine, des corps brillamment illuminés ; ils paraissent plus
larges à angle égal que les corps sombres. Chacune des étincelles des
reflets du soleil ou de la lune nous semble, chacune pour son compte,
plus large, semble soustendre un angle plus ouvert'que son dû; chacune
d’elles empiète sur les parties obscures. C’est si vrai que, à
1 horizon, la traînée lumineuse du soleil semble une bande continue,
où notre oeil ne distingue plus les parties obscures, bien que celles-ci
soient incomparablement plus larges que les étincelles éclairées. Si
nous admettons que chaque vague donne une image de tout le
paysage s’étendant de l’horizon au zénith, l’image du soleil ne représente
que-le 0.005, le demi pour cent de la surface ainsi réfléchie.
Ce qui prouve la justesse de cette application de la théorie de l’irradiation,
c est qu on diminue notablement la largeur apparente des
étincelles de la traînée lumineuse en la regardant à travers un verre
coloré ou enfumé, qui éteint une partie de l’éclat des points brillants et
les fait paraître moins considérables.
La réflexion sur la surface du lac est toujours accompagnée
d absorption, par réfraction dans l’eau, d’une certaine quantité de la
lumière. Plus la réflexion s’opère suivant un angle aigu, plus elle est
complète; si l’angle d’incidence se rapproche de l’angle droit, l’absorption
devient considérable. (») Cela est si vrai que l’oeil peut sans trop de
fatigue regarder l’image du soleil lorsqu’il se réfléchit dans l’eau suivant
un angle un peu ouvert. De là l’usage vulgaire qui fait observer les
éclipses de soleil sur le miroir d’un baquet d’eau.
J’utilise avec succès cette propriété pour constater les couronnes et
halos qui entourent le soleil, le cercle de Bishop qui a paru
autour de l’astre après l’éruption du Krakatoa, en 1883, ou les nuages
iridescents qui montrent les couleurs de la nacre à quelques degrés
du soleil. Autant ces phénomènes colorés sont difficiles à regarder
directement dans la région sur-éclairée qui avoisine l’astre, autant ils
s’aperçoivent facilement lorsqu’on observe le soleil se réfléchissant
•sur l’eau du lac.
(*) Voir la note 1 de la page 489.