De là, la différence entre les observations du Père Secchi qui opérait
dans l’eau limpide de la Méditerranée, et les miennes qui étudiaient les
eaux plus opalines du lac Léman.
J’ai confirmé ces observations sur le peu d’effet de l’intensité de
l’éclairage en interrogeant non plus la hauteur du soleil qui faisait pénétrer
plus ou moins de rayons réfractés, mais en m’adressant à l’écran
naturel formé par un nuage.atmosphérique. En opérant dans le lac sous
un ciel traversé par des nuages qui, tantôt me couvraient de leur ombre,
tantôt laissaient dans leurs intervalles arriver sous mon bateau l’éclairage
du soleil, j’ai obtenu pour la limite de visibilité des chiffres égaux :
■23 juillet 1874. Devant Morges.
Hè'ares -• Limites de ■visibilité'
18h45in en plein soleil 4.2m
19.15 à l’ombre d’un nuage 4.2
19.20 en plein soleil 4.2
En étudiant cette limite par un beau jour de grand soleil et Ip lendemain
par un temps fort sombre, j ’ai môme eu une différence en sens
inverse de l’intensité de l’éclairage :
27 juillet 1874 beau soleil 5.0m
28 —^ SSÿfK' ciel noir, pluiè battante 5.2
Il n’y a.pas, du fait de l’éclairage, de'différence sensible dans la limite
de visibilité.
Il est encore un détail d’observation qui confirme cette interprétation.
Si l’extinction de la visibilité est due à l’absorption de la lumière
dans l’eau pure, cette extinction doit être très graduelle, très' lente, très
insensible; à la limite de visibilité, il doit y avoir incertitude sur la profondeur
où a lieu la disparition. Si l’extinction a lieu par la formation
d’un écran de corpuscules superposés optiquement, la limite de disparition
doit être beaucoup plus nette, beaucoup mieux marquée (>). Or, dans
toutes les expériences que je relate ici, j’ai toujours été frappé de la
précision, de la soudaineté de disparition du disque blanc ; pendant la
descente, je vois nettement la surface éclairée, puis tout à coup je ne
la vois plus; il n’y a pas 30™, souvent pas 20™ d’incertitude sur la
profondeur limite de visibilité; il n’y a pas cette différence entre les deux
(i) C’est;pjes'que subitement qu’apparaît ,un objet qui s’approche de nous dans
un brouillard', un navire, p a r exemple, sur le lac.
mesures de l’observation, l’une disparition à la descente, l’autre première
apparition à la montée ; il n’y a pas cette différence entre lès
chiffres de deux observateurs différents • suivant de l’oeil le même
objet.
Ainsi donc l’hypothèse ci-dessus énoncée, qui attribue la disparition
d’un objet immergé dans l’eau à la formation d’un écran de poussières
opaques, semble parfaitement justifiée. •
Mais dans mes expériences, il est une série de cas divergents qui
complètent la démonstration. Comme je vais le dire plus loin, il y a de
grandes différences saisonnières dans la transparence de l’eau ; en hiver
les eaux sont beaucoup plus limpides qu’en été; si mon hypothèse est
exacte, si l’opalinité des eaux de l’été est due à des poussières et la plus
grande transparence des eaux d’hiver à la moins* grande abondance
de ces poussières, tous les caractères distinctifs.de l’expérience doivent
se modifier de l’été à l'hiver.
Il en est, en réalité, ainsi. Toutes les observations que j’ai citées
jusqu’à présent ont été faites en été. Mais si je leur oppose les observations
faites en hiver, alors que la limite de visibilité est à une profondeur
double, je reconnais ;
a. Que la hauteur du soleil a une influence reconnaissable dans le lac
Léman, comme dans les expériences du Père Secchi. Ainsi, p ar
exemple, mon expérience du 27 mars 1875 devant Morges m’a donné :
Hauteur du soleil Limite de visibilité
29°10' 15.0m
45.58 ■ 16.8
Heure
8h 55min
11 55
La différence est très sensible.
b. Que le passage à l’ombre raccourcit notablement la limite de visibilité.
Le même 27 mars 1875, tandis qu’à 9h avec une hauteur de
soleil j’avais une limite de visibilité de 15.0m par un soleil brillant, à
16''20m, par une hauteur solaire de 21°36', à peine plus faible que le
matin, mais par un ciel gris, la limite de visibilité est tombée à 13.7">.
c. Enfin la précision de la disparition du disque à la limite de visibilité
est beaucoup moins nette en hiver qu’en été ; l’incertitude est plus,
grande et deux observations simultanées sont moins concordantes.
Ma conclusion est donc très positive, à savoir que l’opalinité des eapx
du lac Léman est essentiellement due à des poussières en suspension
dans feau.