jusque dans ses plus grands fonds. C’est ainsi que pendant l’ouragan-
cyclone du 20 février 1879, le plus terrible dont nous ayons conservé
la mémoire, les filets de pêcheurs de féra, descendus dans le lac
devant Ouchy par 200 et 300m de fond, ont été arrachés et entraînés
contre le vent par ces courants de retour profonds. (*) ■
Quand de fortes vagues viennent battre la côte sous le vent, elles
soulèvent la vase de la beine et salissent l’eau ; l’alluvion impalpable
en suspension dans l’eau (alluvion lacustre) l’alourdit, augmente sa
densité et tend à établir un courant descendant qui l’entraînera dans
les grands fonds, en suivant la déclivité des talus. Ce courant s’associe
au courant vertical descendant provoqué par l’accumulation de
l’eau à la côte sous le vent. Mais tandis que ce dernier ne saurait descendre
bien profond, par le fait de la stratification thermique contre
laquelle il est impuissant, le courant déterminé par l’alourdissement
de l’eau, par une surcharge d’alluvion, peut dominer la stratification
thermique ; l’eau superficielle chaude a sa densité augmentée
par les poussières qu’elle tient en suspension, tellement qu’elle peut
devenir plus pesante que l’eau froide, mais pure, des couches inférieures
; il peut donc y avoir entraînement, dans les couches profondes
du lac, de l’eau chaude, mais salie, de la surface, quelque chose d’analogue
à ce que nous avons vu dans la descente, au fond du lac, des
eaux lourdes des affluents.
4° Courants dus à la pression atmosphérique.
Les variations locales de la pression atmosphérique déterminent des
dénivellations du lac ; l’eau s’affaisse là où la pression est la plus forte,
elle se soulève là où celle-ci est la plus faible. A ces variations du
niveau, correspondent des déplacements horizontaux de l’eau, et, par
conséquent, des courants centrifuges autour d’une décrue locale, centripètes
autour d’une crue ; lorsque la dénivellation cesse, des courants en
sens inverse rétablissent l’horizontalité de la surface. L’importance,
l’intensité, la direction de ces courants doivent varier beaucoup d’un
cas à l’autre.
( H. C.hatelanat, Bull. S. V. S. N. XVI 533 ; F.-A. Forel, ibid., 510. Lausanne, 1879.
5° Les courants des seiches.
Indépendamment des courants développés par les dénivellations
des seiches aux goulets des ports et lagunes en. communication avec
le lac (v. p. 53), l’oscillation rythmique de la masse du lac, que nous
avons vu caractériser les seiches, doit produire des courants d’ensemble.
Quand, dans une seiche uninodale, l’eau s’élève à Genève
pour s’abaisser à Villeneuve et vice-versa, il y a déplacement horizontal
de l’eau pour satisfaire à ces dénivellations ; il y a va-et-vient
de la masse générale du lac ; si la durée de la seiche uninodale est
73min, le courant dans chaque sens doit durer 36.5miu. De même, dans
les seiches binodales, il doit y avoir un va-et-vient alternatif et de sens
opposé dans chacune des moitiés du lac, de durée égale à la moitié
de la seiche binodale, c’est-à-dire à 17.7mm.
Mais tandis que la dénivellation des seiches, quoique très faible, quoique
masquée le plus souvent par les mouvements plus rapides du lac,
est encore appréciable à l’oeil et peut se mettre en évidence par
des méthodes convenables d’observation, les courants dus aux seiches
sont absolument inobservables. On en jugera par le calcul suivant.
Je prends le cas le plus favorable que nous ayons à notre disposition,
celui des seiches longitudinales uninodales du Léman, et je veux
rechercher la vitesse du courant dans le lieu où il doit être le plus fort,
au détroit de Promenthoux. Les plus grandes seiches de Genève que
nous ayons observées depuis vingt ans, sont celles du 20 août 1890,
avec 62cm de hauteur maximale. Dans cette occasion, il y avait interférence
d’uninodales et de binodales ; admettons que l’uninodale de ce
jour eût à Genève 31cm, disons 30cm de hauteur. Le noeud de balancement
des uninodales est à la sortie du détroit de Promenthoux, dans le
Grand-lac. Supposons que la nappe d’eau restât plane depuis l’axe du
noeudjusqu’au sommet du ventre d’oscillation, nous pouvons calculerla
valeur du déplacement d’eau. La quantité d’eau qui, dans le mouvement
de va-et-vient des seiches, passe d’un côté à l’autre du plan
vertical de la ligne nodale, est égale à la superficie de la partie du lac
à laquelle appartient le ventre considéré (dans ce cas la superficie du
Petit-lac, 78.8"lk2), multipliée par le tiers de la hauteur extrême de la
dénivellation (le tiers de 30cm 0.1m). Cela représente un volume de
7 880 000m3. C’est une masse de près de 8 millions de mètres cubes