Deux arguments me paraissent s’y opposer. Le premier, c’est que la
dénivellation a duré beaucoup plus longtemps, trois heures environ,
que le temps d’oscillation d’une seiche, 1 V4115 les allures de la dénivellation
observée ne correspondent pas avec le rythme des seiches.
Le second argument, c’est que la grandeur des seiches n’a pas été en
rapport avec l’intensité du vent. Cette perturbation atmosphérique, la
plus terrible de celles qui, de mémoire d’homme, ont frappé le
Léman, a développé des seiches dont la hauteur n’a rien eu d’exceptionnel
; les seiches du 20 février 1879 n’ont eu à Genève que 16cm de
hauteur maximale, tandis que celles du 20 août 1890 avaient jusqu’à
62cm dans la même station. Nous devons conclure de ce rapprochement
que, si les seiches peuvent être causées par le vent, c’est une
cause beaucoup moins puissante et efficace que les causes ordinaires
de la mise en balancement de l’eau du lac ; puisque le plus grand vent
connu n’a été accompagné que de seiches de hauteur médiocre, le
vent n’est pas probablement une cause bien active de production des
seiches.
Je serais disposé à admettre que, le 20 février 1879, le vent du sud-
ouest de l’ouragan-cyclone a été la cause de la dénivellation générale
qui, pendant quelques heures, a déprimé l’eau à Genève pour la faire
monter dans le Grand-lac (à Morges en particulier) ; que la série de
seiches, qui a commencé en même temps, a été due aux variations
locales de la pression atmosphérique qui ont accompagné le passage
de l’ouragan.
Je me suis arrêté un peu longuement sur cet exemple, parce qu’il
est le type d’un phénomène assez fréquent ; la dénivellation continue,
qui a été si bien marquée le 20 février 1879, apparaît assez souvent à
Genève au début de fortes séries de seiches, au moment où frappent
les grands coups de vent su dois.
Nous arrivons ainsi à attribuer peu d’action utile pour la production
des seiches aux vents horizontaux, comme celui du 20 février 1879.
Tirerons-nous la même conclusion au sujet du vent vertical descendant
que nous avons vu caractériser l’orage local (’) ? Nous en avons
garde ; nous lui assignons une grande puissance pour le développement
des seiches. Au moment de l’éclat de l’orage, il y a absorption
subite de chaleur, refroidissement de l’air, chute de l’air qui tombe en
masse sur le sol, vent vertical descendant ; frappant comme un coup
de tampon perpendiculairement sur la nappe du lac, ce vent doit causer
une décrue locale subite, cause initiale de l’oscillation des seiches ;
c’est à lui que nous sommes appelés à rapporter l’origine des seiches
en temps d’orage local. Mais comme ce courant d’air descendant est
probablement la cause de la variation locale de la pression atmosphérique,
comme les deux actions se confondent, nous ne croyons pas
devoir les séparer; nous laisserons à d’autres le soin de disserter
sur le mécanisme de l’orage local, et de faire la part entre pression
statique de l’atmosphère et action dynamique du vent plongeant.
Arrêtons-nous un peu pour condenser notre raisonnement. Nous
avons vu que les plus grandes seiches coïncident généralement avec
un orage; que cependant il y a parfois développement de seiches importantes
en l’absence de toute manifestation électrique visible ; nous
venons de voir que les variations subites et locales de la pression
atmosphérique constatées par les baromètres enregistreurs suffisent à
expliquer les plus fortes seiches dessinées par les limnographes. Des
différents facteurs qui composent l’orage, c’est donc aux phénomènes
mécaniques, caractérisés essentiellement par la variation de pression
atmosphérique que nous attribuons la cause des seiches et nous
n’avons plus besoin de songer aux phénomènes mystérieux et mal
explicables de l’attraction électrique. Si cela est, il est facile de comprendre
la plus grande hauteur des seiches quand le baromètre est
bas, ainsi que nous l’a révélé notre statistique générale ; l’air est ordinairement
plus agité, les variations de pression sont plus fréquentes
et plus fortes quand le baromètre est bas que quand il est élevé.
Il est encore un point que nous avons à expliquer, avant de tirer
notre conclusion : c’est le fait indiqué par M. Russell au sujet des seiches
du lac George. Ce fait, dont nous avons.de nombreux exemples,
peut se résumer en ces termes : Dans une série deseiches, ce n’est pas
toujours la première qui est la plus grande ; les premières oscillations
sont parfois relativement faibles, et sans qu’il apparaisse de nouvelle
impulsion, ce n’est qu’au bout de quelques, balancements que l’on
observe la hauteur maximale de la série. Nous en avons vu un cas
dans la grande, série des seiches du 26 mars 1891 (p. 110). Nous venons
d’en trouver un bel exemple dans la série des énormes'seiches du 20