uniforme, elles sont équidistantes ; elles marchent d’une manière générale
en lignes parallèles, mais accidentellement, aux points d’inflexion
en particulier, elles s’anastomosent ou se dédoublent sans rupture
violente du type normal du dessin ; dans leurs lignes droites ou légèrement
courbées, elles forment un guilloché simple, largement infléchi.
Si j’avais à en donner une idée-à quelqu’un qui ne les aurait
jamais vues, je ne saurais mieux les comparer qu’aux stries de l’épi-
derme palmaire de la main humaine, dont elles ont les allures et la
belle régularité.
Les rides se dessinent sur le sable du fond des eaux dormantes, et
on les voit dans la région littorale des mers, des lacs et des étangs;
on les retrouve aussi sur le sable des fleuves dans des conditions favorables,
quand le Courant d’eau est assez large pour qu’il s’y développe
des vagues.
Dès mes premières études sur le lac Léman, je les ai rencontrées ;
je les ai observées de mon mieux et j’ai essayé de les expliquer (r). La
théorie à laquelle j’arrivai alors faisait intervenir la pression verticale
des vagues de l’eau sur le fond ; elle était insoutenable, je l’ai reconnu
plus tard, et elle ne mérite pas d’être reproduite ici, même à titre
d’exemple des erreurs d’imagination d’un naturaliste.
J’ai repris à plusieurs fois cette étude, en combinant l’observation
des faits naturels et l’expérimentation artificielle. J’ai résumé
devant la Société vaudoise des sciences naturelles, séances du
t> février et du 6 mars 1878, les résultats de ces recherches qui
m’avaient assez bien rapproché du but (2).
En avril 1882, M. A.-R. Hunt a lu à la Société royale de Londres un
intéressant travail sur ce sujet (3) ; il donne les dimensions des rides
dessinées sur les côtes de la mer à Torquai, dans le Devonsbire ; il
réfute l’opinion assez généralement adoptée que les rides seraient
dues à l’action de courants de direction constante ; soit par l’observation
dans la nature, soit par l’expérimentation dans des bassins artificiels,
il a reconnu, comme moi, que les rides sont causées par le
P) Soc. vaud. sc. nat., séance du 16 février 1870.
(*) Bull. S. V. S. N., p. 66 et 76, P. V. Lausanne, 1878.
(3) Arthur Roope Hunt, On the formation of ripplemark. Proc. of. the R. Soc.,
XXXIV, 1. London, 1882.
balancement alternatif de l’eau, balancement qui n’est qu’une modification
dans la profondeur du mouvement superficiel plus compliqué
des vagues d’oscillation progressive. Enfin, M. Hunt a cherché à
déterminer la limite d’action des vagues dans la profondeur de la
mer.
En mars 1883, M. Casimir de Candolle a publié dans les Archives de
Genève un important mémoire sur les rides de fond (') ; il y décrit
une foule d’expériences intéressantes, et en tire des déductions fort
ingénieuses ; il montre entre autres que la formation des rides n a pas
lieu seulement sur le sable dans l’eau en mouvement, mais
qu’on peut les produire également dans d’autres liquides, ou sur des
corps visqueux, goudron, sirop de groseilles, ou sur des corps plus
légers que l’eau, poussières de bois, bulles d’air dans un flacon. Il a
formulé dans les termes suivants sa loi de la formation des rides de
fond : « lorsqu’une matière visqueuse, en contact avec -un liquide
moins visqueux qu’elle-même, éprouve un frottement oscillatoire ou
intermittent, résultant du mouvement de la couche liquide qui la
recouvre, ou de son propre déplacement relativement à cette couche,
la surface de la matière visqueuse se ride perpendiculairement à la
direction de ce frottement; l’intervalle compris entre les rides ainsi
formées, autrement dit leur écartement, est en raison directe de l’amplitude
du frottement. » Pour M. de Candolle, le sable soulevé p ar les
mouvements des vagues constituerait avec l’eau une substance visqueuse,
sur laquelle les rides se formeraient, comme, dans ses expériences,
elles se forment sur du goudron. Quant à la théorie même de
cette action, lorsque M. de Candolle dit : « que l’effet du frottement
de l’eau sur la matière visqueuse est tout à fait identique à celui du
frottement de l’air sur la surface libre d’un liquide nôn visqueux, il y
développe des vagues, » il me semble s’écarter de la notion très juste
qui est à la base de toute son étude ; il passe du frottement oscillatoire,
qui est une action discontinue et de direction alternante, à fa c tion
du vent sur l’eau qui est continue et de direction constante, et
qui détermine des vagues d’oscillation progressive.
Ainsi donc MM. Hunt et de Candolle sont, comme moi-même en
(1) C. de Candolle, Rides formées à la surface du sable déposé au fond de l’eau.
Archives de Genève, IX, 241.1883.
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