du Roi, et entre Cette et le cap Brescou, sur les bords de l’océan
Atlantique, près de Bayonne et à Arcachon, ou encore dans le Sahara,
les dunes de Biskra et enfin, sur les bords du Léman, au fond du golfe
de Coudrée où nous possédons un joli champ de dunes de quelques
hectares. Le seul point où j ’ai reconnu la forme typique des dunes
dans ces formations aériennes, c’est entre la bouche de l’Adour et
Biarritz; les premières dunes au bord de l’océan étaient manifestement
formées, le 21 novembre 1882, par l’action continue des vents
violents qui soufflaient sans cesse du large sur la terre.
Revenons maintenant aux phénomènes naturels des rides modelées
sur le sable de notre lac, et voyons si l’observation confirme notre
interprétation théorique.
Limite de profondeur des rides de fond. Les rides sont limitées à
la région littorale et ne se développent plus au-delà d’une certaine
profondeur.
Cette affirmation résulte de l’observation directe. En février 1878,
j ’ai profité de la période où les eaux du lac sont le plus transparentes,
pour chercher la limite des rides sur les flancs du mont. Grâce à la
belle limpidité des eaux qui m’assurait la vision distincte jusqu’à 10
et 12 mètres de profondeur, j’ai constaté avec certitude cette limite en
plusieurs points ; j’ai vu les rides, bien dessinées sur les talus du mont,
cesser presque subitement, tellement qu’il n’y avait pas un demi-mètre
d’erreur possible sur le point où je reconnaissais cette limite. Je l’ai
vue :
A Morges, devant l’église à 6.5m
» devant le Beluard 7.0
» devant la ruelle des Tanneurs 8.5
» devant l’église catholique 9.1
A la pointe de la Venoge 7.3
A la date de ces observations, le lac était à la cote ZL -)-1.170m. Il
était par conséquent de 18 centimètres au-dessous de sa hauteur
moyenne, et de 30 centimètres au-dessus des plus basses eaux de
cette époque. Nous pouvons donc dire que, près de Morges, la limite
des rides est entre 6.2 et 8.8m au-dessous du minimum de hauteur
du lac.
En mars 1880, j’ai observé dans le Rhône, vers le pont de Bramois,
près de Sion, en Valais, de jolies rides dessinées suivant la ligne de
plus grande pente sur le sable fin des talus du fleuve. Ces rides s’arrêtaient
brusquement à quelque vingt centimètres de profondeur ;
dans mes notes j’ai inscrit cette terminaison subite des rides comme
montrant la limite d’action des vagues.
Mon affirmation se base aussi sur des expériences que j’ai faites
dans le printemps de 1869. Egaré par des considérations théoriques
erronées, je croyais pouvoir retrouver les rides à toutes les profondeurs
dans le lac, et j’ai essayé de les constater dans les grands fonds.
Pour cela j’ai attaché à mon fil de sonde une large plaque de tôle que
j’enduisais de suif ; au-dessus, un appareil convenable donnait un
coup de marteau sur la plaque au moment où elle touchait au sol.
Avec cet instrument j’ai pris de nombreuses empreintes du sol entre
30 et 100 mètres de fond ; je n’y ai jamais vu trace d ’une ride de fond (*).
Cette preuve négative confirme les observations positives que je viens
de citer.
Le fait d’une profondeur limite des rides résulte aussi des faits géologiques.
Les rides de fond, très fréquemment dessinées sur les grès
et molasses qui sont des formations littorales, manquent sur les
marnes, calcaires et argiles qui sont des formations profondes (Ph. de
la Harpe). (2)
Je considérerai donc comme démontré que les rides de fond sont
limitées à la région littorale, qu’elles s’arrêtent à une faible profondeur,
laquelle dépend évidemment de la puissance des vagues. Dans le
Rhône où les vagues sont peu fortes, la profondeur limite est de quelques
décimètres ; dans le lac Léman où les vagues sont plus énergiques,
la limite descend à une dizaine de mètres ; dans l’océan où lès
vagues atteignent leur maximum, on constate les rides jusqu’à
20 mètres, d’après Ch. Lyell, à 188 mètres, d’après Siau. Je conclurai
donc que les rides indiquent la limite de l’action effective des vagues
superficielles ; qu’au-delà du point où les rides s’arrêtent, les vagues
de la surface n’agitent plus assez le fond pour soulever le sable et
l’accumuler en dunes ou en rides.
C’est là le procédé auquel je faisais allusion, page .238, lorsque je
0) P a r un procédé analogue, Siau a constaté des rides de fond jusqu’à 188”> de
profondeur dans l’Océan Atlantique.
(3) .Bull. S. V. S. N , XV, 68, P. V. Lausanne, 1878.