nacré du sablon du Rhône ; je supposai que la couleur noire était due
à de l’humus ou terre en fine poussière, plus légère et plus fine
encore que le sable minéral. Pour le vérifier, dans une anse ou les
rides étaient parfaitement propres, je salis l’eau en y versant de la
terre délayée, et au bout de quelques minutes, je vis les particules
terreuses se localiser sur les arêtes des rides qu’elles coloraient en
noir.
Ainsi donc, soit par leur forme symétrique à talus également inclinés
des deux côtés de l’arête, soit par leur immobilité, les rides de fond se
distinguent très nettement des dunes formées dans le sable par un
courant continu. Ce n’est que dans la distribution dès matériaux qu’on
pourrait retrouver une certaine analogie entre les deux ordres de
formation.
Comment se forment les rides de fond ?
On peut, dans des conditions favorables, étudier leur développement
sur le sable du fond du lac. Pour cela il faut choisir une plage
sableuse, submergée sous une couche d’eau de faible épaisseur, et
l’observer quand l’eau est agitée par des vagues légères, régulières,
non guillochées par les rides de la brise. (*)
On voit alors le mouvement de la vague se traduire au fond de l’eau
par un balancement alternatif régulier, d’avant en arrière et d’arrière
en avant ; l’eau, les poussières en suspension dans l’eau, les grains de
la couche supérieure du sable subissent ce mouvement pendulaire,
dont le rythme correspond à celui de la vague. Quand le : fond de
sable a été artificiellement aplani et les rides effacées, celles-ci ne
tardent pas à se reformer sous l’action’de ce mouvement de balancement;
quand le sable présente son modelé normal des rides, on voit
les grains de sable et les poussières aquatiques être promenés alternativement
d’un côté a l ’autre de chaque ride, être enlevés au sillon
d ’une ride, passer par-dessus l’arête pour tomber dans le sillon de la
ride voisine, d’où ils sont repris par le mouvement de retour de la
vague et rapportés à leur place primitive. Les tourbillons verticaux
ascendants, mis en évidence par les expériences de M. G.-H. Darwin,
en soulevant les corps mobiles sur le sol, doivent faciliter leur dépla-
(*) En général les matières huileuses répandues à la surface de l’eau sont chassées
à la rive par les brises soufflant du large; elles éteignent les rides de l’eau,
et permettent une observation très suffisante des détails du fond.
cernent horizontal en les maintenant pour un instant en suspension
dans le liquide.
Ce mouvement de balancement pendulaire de l’eau, au-dessous des
vagues superficielles'd’oscillation progressive, ressemble en plus d’un
point à celui que subit le liquide dans un bassin, où il balance suivant
une oscillation fixe uninodale (balancement simple de l’eau dans une
cuvette), Il était tout indiqué de rechercher l’effet du mouvement de
balancement de l’eau dans des bassins de petites dimensions, sur le
fond desquels on étalerait une couche de sable fin. Dès mes premières
expériences en 1868, j’ai reconnu la formation, sur le sable de ces
bassins, de rides de fond analogues à celles du lac. Des moulages de
plâtre m’ont prouvé l’identité absolue des phénomènes ; même forme
des rides, égalité des deux talus, même distribution des grains de différentes
grosseurs, même immobilité des rides qui ne se déplacent
plus une fois établies. Cette identité étant évidente, j ’ai essayé d’en
profiter pour chercher les lois de la formation de ces rides. Pour cela
j ’ai employé des bassins de diverses grandeurs et des sables- de
diverses grosseurs. . Je vais donner le résultat des expériences que j ’ai
faites à ce sujet, soit en 1868, soit en 1877 et 1878.
Le mouvement de balancement de l’eau, tel qu’on l’obtient dans
une cuve où on laisse l’eau balancer librement, est constitué essentiellement
dans la partie médiane de la cuve, où les rides se dessinent lé
mieux, par un déplacement horizontal du liquide qui se transporte dans
un mouvement d’ensemble, alternativement ver,s l’une et vers l’autre
extrémité du bassin. Dans ce balancement pendulaire, il y aurait à
considérer, pour l’étude qui nous occupe :
a. L’amplitude de l’oscillation, c’est-à-dire le.trajet parcouru par,la
molécule d’eau dans chaque mouvement (demi-oscillation).
b La durée de l’oscillation, c’est-à-dire le temps qu’emploie la molécule
d’eau pour revenir à sa place, après avoir accompli une oscillation
complète.
c La vitesse des courants d’eau, qui est le quotient de ces deux
valeurs.
Je n’ai pas pu toujours, dans les expériences que jé vais analyser,
séparer suffisamment ces trois facteurs, mais nous arriverons, je
l’espère, dans la suite de cette étude, à démêler assez bien leur action
différente. Yoici donc, lé résultat de mes expériences :
I. Avec le même sable j’obtiens des rides de même largeur dans des