Le violet est dû au mélange de tons rougeâtres du ciel avec les tons
bleus du ciel et du lac, ou bien à des effets de contraste avec des
nuages sombres, ou enfin à la coloration de la côte opposée (grânds
paysages des beaux jours d’automne).
Que l’on étudie l’oeuvré entière du peintre du Léman, F. Bocion,
d’Ouchy, celui qui a le mieux compris et le mieux figuré les mille
aspects de notre lac ; l’on retrouvera sur ces représentations fidèles
de la couleur apparente du lac toutes les nuances, tous les tons, toutes
les teintes, toutes les notes de la gamme des couleurs.
II. Iris, spectre coloré étalé à la surface du lac.
Lorsque les rayons solaires de lumière blanche sont réfléchis sur
une lamelle transparente excessivement mince dont l’épaisseur est
égale ou dépasse à peine la longueur d’une demi-onde lumineuse, il se
produit une décomposition de la lumière, et l’on voit apparaître des
■couleurs irisées.
Le phénomène se manifeste dans toute sa beauté quand on verse à
la surface de l’eau certaines substances huileuses, qui s’étalent rapidement
en lame mince, mais qui gardent cependant une épaisseur suffisante.
C’est l’essence de térébentine qui m’a donné les résultats les
plus brillants. Les couleurs irisées dans lesquelles toutes les nuances
du spectre solaire se peignent avec un éclat admirable illuminent cette
pellicule mince, en y dessinant des figures irrégulières à contours
arrondis, suivant les accidents qui augmentent ou diminuent l’épaisseur
de la lamelle huileuse. Ces couleurs persistent tant que la couche
huileuse a une épaisseur suffisante; elles disparaissent sur les bords
de la tache où la pellicule est trop amincie.
La demi-onde lumineuse a une longueur de 212|qj. (millionnièmesde
millimètres, micromillimètres) pour le violet, de 310¡iji. pour le rouge
(0,000212 — 0,000 310mm).
C’est ce qui explique pourquoi les couleurs irisées ne sont pas visibles
dans les taches d’huile naturelles, les fo n ta in e s du lac Léman,
où la couche huileuse est prodigieusement mince, If#,, 1/200 000e de
millimètre, 0,000 005™m, 5 d’après inon évaluation, — de 2 à 120
d’après différents auteurs (*). La pellicule a beaucoup moins d’une
demi-longueur d’onde et la décomposition de la lumière blanche ne
peut pas se produire.
Une apparition de couleurs irisées analogues à celles que nous produisons
artificiellement en versant de l’essence de térébentine sur ï’eau,
a été observée à plusieurs reprises sur le lac. Wartmann lui a donné
le nom d'iris.
E. Wartmann en a décrit un premier cas observé près de Genève le.
2 novembre 1868. (a)
Un second exemple a été vu par le même observateur le 11 février
1872, au bord de la côte de Cologny, près Genève (3). « A 2 heures
5 minutes, étant au bas de la côte de Cologny, j ’aperçus en plein
lac, à environ deux kilomètres et demi vers le N.-N.-O., un spec-
ti e très lumineux étalé en ligne droite sur la surface de l’eau et présentant
le rouge du côté du soleil comme l’arc-en-ciel intérieur. Continuant
à marcher vers le Nord, je ne tardai point à voir paraître un second
spectre parallèle au premier dont il était séparé par un espace sombre
et incolore. Bientôt un troisième iris, encore plus rapproché de moi, et
parallèle aux deux autres, vint enrichir ce spectacle. De 2 à 3 heures,
les iris se développèrent en se modifiant. »
A trois heures, voici la description du phénomène. « Un premier iris
se dessinait à mille mètres dans la direction du Nord. A 5m de moi.
deux arcs irisés dessinaient les sommets de leurs branches elliptiques
séparées de 7 à 8™. Nées à ma gauche d’une base commune, ces branches
se contractaient sensiblement à mesure qu’elles se rapprochaient,
et tournant a droite, elles allaient se rejoindre à 130m de distance.
L’ombre produite par un bâton vertical coïncidait avec le grand axe
commun des déux branches. La clarté de la branche extérieure l’emportait
sur celle de sa voisine. Toutes deux avaient le violet en dedans ;
cette couleur était remarquablement vive et saturée. A mesure que
1 oeil parcourait leur développement à de plus grandes distances, ces arcs,
augmentaient d éclat et paraissaient se dilater. Au N.-E., vers leur terminaison
la plus éloignée, ils étaient semblables à des miroirs métalliques
sur lesquels toutes les teintes du spectre flamboyaient avec une
(fi Voyez, ci-dessus, page 246.'
(2) Arch. de Genève, XXXV, 189.1869.
(3) Arch. de Genève, XLIII, p. 263.1872.