1878, arrivés à attribuer la formation des rides de fond au balancement
des eaux (courant alternatif de Hunt, frottement oscillatoire de
Gandolle). Mais pas plus que moi dans mes recherches antérieures, ils
n’ont pu tirer de la constatation du fait son explication. (*)
Dans son mémoire lu à la Société royale de Londres, le 22 novembre
1883, M. G.-H. Darwin, tout en confirmant les observations et
explications de M. de Candolle et de moi-même, a apporté un fait
nouveau, très intéressant. Il a montré que, aussi bien dans la formation
des dunes sous-aquatiques que dans celle des rides de fond, il se
produit dans l’eau, au contact avec le sol, de petits tourbillons verticaux
ascendants qui soulèvent le sable et le ramènent des deux faces
vers le sommet de l’arête ; qu’il n’y .a pas seulement un mouvement
de translation horizontale, mais que le phénomène est beaucoup plus
compliqué. Il a fait cette démonstration en versant dans l’eau, mise
en rotation ou en balancement dans ses auges, de petites gouttes
d’encre qui prenaient bientôt la forme de champignons ou d’arbres,
inclinés diversement, suivant le jeu des courants (-).
Je vais reprendre le sujet à ma manière, en essayant, non pas d’une
théorie, le mot serait trop ambitieux, mais d’une description des faits
(1) Aux citations bibliographiques données p a r M. de Gandolle, j ’ajouterai les
suivantes : Siau (Action dés vagues à de grandes profondeurs. Ann. de ehim.
et phys., 3me série, II, 118. Paris, 1841) étudie la formation des rides de fond :
«L e s ondulations sont un effet de l’action des flots. Lorsque les eaux-sont
très agitées, toutes les matières sont mises en mouvement pa r elles ; peu à peu la
vague diminue, son action s’amoindrit, et il arrive un moment où elle ne peutplùs
faire marcher les matières les plus lourdes. Alors il sè fait un triage, une espèce
de départ ; les matières légères se séparent, continuent d’avancer par ondulations,
comme cela a toujours lieu, le flot agissant au fond des creux pour les porter au
sommet, et laissant à nu les corps les plus pesants. » Siau a vu distinctement les
rides de fond jusqu’à 20” de profondeur, et à l’aide d’une sonde ensuiffée, il en a
reconnu les empreintes jusqu’à 188" de profondeur au N.-O. de la rade de Saint-
Paul, près de Saint-Gilles, en Vendée.
Delesse (Lithologie du fond des mers, p . 110, 1871), dit que l'oscillation
de la mer est démontrée jù sq u ’à 200" de profondeur dans l’Océan, et que cela
est mis en évidence pa r les rides de fond. (Cité par Hunt.)
Dr A. Barthélémy, (Des vibrations communiquées aux nappes liquides de forme
déterminée. Ann. de chim. et phys., 5"e sér. I , 100. P a ris, 1874), voit dans
les rides du fond des lignes nodales de l’oscillation vibratoire des vagues.
John Gilmore, décrivant la plage des sables de Goodwin, Signale incidemment des
rides qui auraient deux ou trois pieds de hauteur. (Cité pa r Hunt.)
G.-H. Darwin (On the geological importance of the tides. Nature, XXV, 214
London, 1882), attribue la formation des rides de fond aux courants de la marée.
(2) G.-H. Darwin. Piipplemarks. Nature, XXIX, 162. London, 1883.
observés et d’une explication élémentaire du phénomène, telle que je
j’ai donnée en 1883 (1).
En 1868, alors que j’étudiais les rides de fond dans le lac Léman, je
ne trouvai'dans les auteurs d’autre explication que celle donnée par
Lyell (2), qui les confondait avec la formation des dunes. J en ai profité
pour observer attentivement les dunes qui se développaient sous l’eau
dans le lit d’un bief de moulin, près de Morges ; le courant d’eau de
ce bief marchait à la surface avec une vitesse de 40 centimètres par
seconde. , .
Le sable arraché du fond par le courant s’écoule régulièrement avec
l’eau ; il ne s’arrête que lorsqu’il arrive dans un remous, soit dans une
dépression au-dessous du plan général du fond, soit derrière un obstacle
saillaqt. Dans un tel remous, le sable, à l’abri du courant, se dépose
en couches stratifiées. __
Or que, par une action quelconque, une petite colline de sable,
fig. 93 a, soit formée sur le fond de l’eau, le sable enlevé par érosion
à sa face amont b sera transporté par-des-
sus la crête c jusqu’à sa face aval cd ; il y
' trouvera un remous, le remous que les
6( i 4 93.) Coupe schématique expériences de Darwin ont si élégamment
de la dune d’un ruisseau. démontré, et il s’y déposera en formant
un talus d’éboulement avec la pente naturelle de ce genre de déclivité.
Cette action de transport se continuant dans le même sens, il se
produira une dune, laquelle présente les caractères suivants .
1» La 'crête c de la dune se déplace lentement dans le sens du courant
en e' c" c”.', par le fait de l’adjonction de nouvelles couches c'd',
c "d " , etc, sur le talus d’éboulement de la face aval.
2° Les deux faces-de la dune ont une inclinaison différente, la face
amont, ou face d'érosion bà (vers le haut du courant), est presque
horizontale ou faiblement inclinée; la face aval, ou face d’alluvion cd,
vers le bas du courant) est très inclinée, suivant un talus d’éboulement
naturel.
3° Une coupe verticale, dans l’intérieur de la dune, montrerait une
(1) p - a. Forel. Les rides de fond étudiées dans le. Léman. Archives de Genève,
3 , 39.1883.
(2) C. Lyell, Manuel de géologie, trad. française, I, p. 33. 1856.