HUITIÈME PARTIE
OPTIQUE
Les phénomènes limnologiques qui appartiennent au domaine de
l’optique sont nombreux; je n’en ai étudié ou observé que quelques-
uns que je grouperai artificiellement en quatre classes :
1° La transparence de l’eau et les phénomènes qui se lient à la
pénétration de la lumière dans l’eau.
2° La couleur de l’eau.
3° Les phénomènes de réflexion.
4° Les.phénomènes de réfraction et les mirages à la surface du lac.
I. PHÉNOMÈNES DE PÉNÉTRATION DE LA LUMIÈRE DANS LES EAUX.
Nous étudierons successivement la transparence de l’eau du lac, et
un certain nombre de phénomènes accessoires qui se relient à la pénétration
des rayons lumineux dans les couches liquides.
1. Transparence de l ’eau du lac.
L’eau dans la nature, quelque limpide qu’eile apparaisse, n’est pas
absolument transparente; elle arrête bientôt les rayons lumineux. Ce
n’est qu’avec des soins très minutieux et des artifices de laboratoire
fort compliqués que J.-L. Soret est arrivé à obtenir de l’eau qui parût
physiquement pure, qui, par exemple, ne laissât pas voir la trace
d’un rayon lumineux concentré par une lentille. Ce qui lui a le mieux
réussi pour purifier ainsi l’eau, c’est, après des distillations répétées et
compliquées, le repos absolu en flacons fermés, prolongé pendant des
mois et des années (*). Au bout d’un long temps, tous les corps en
suspension se sont ou élevés à la surface, ou précipités sur le fond du
vase, et l’eau semble absolument pure.
De. l’eau physiquement pure absorberait-elle encore les rayons
lumineux ? C’est probable.
L’eau du lac Léman est célèbre par sa transparence. Elle est, en
effet, bien plus limpide que celle des fleuves et rivières de la plaine, et
que la plupart des petits lacs et étangs. Mais elle est loin d’être parmi
les plus transparentes, et sa transparence n’est que très relative
comme nous allons le voir.
■ Nous avons étudié la transparence des eaux du lac Léman par trois
méthodes différentes :
1° En cherchant la limite de visibilité par la méthode-du Père
Secchi et par la méthode de la commission genevoise.
2° En cherchant la limite d’obscurité absolue pour les substances
photo-sensibles.
3° En interrogeant les plantes et animaux de la région profonde.
Nous renverrons à une autre partie cette dernière méthode dont
l’exposé implique la connaissance des faits de la biologie du lac, et je
ne traiterai ici que les deux premières.
A. La limite de visibilité, étudiée par la méthode du Père Secchi.
Pour étudier la transparence d’un corps,le procédé le plus simple est
de chercher l’épaisseur de ce corps qui arrête complètement les rayons
visuels. Dans le cas spécial de la transparence des eaux, les navigateurs de
tous les temps ont fait descendre dans l’eau un corps blanc, une
assiette de porcelaine et ont noté la profondeur à laquelle elle disparaît
à l’oeil (2). Cette observation élémentaire a été élevée à la valeur
f1) Communication personnelle de Soret.
C2) Voir Rémunération des études anciennes et modernes faites p a r cette
méthode dans 0. Krümmel. Bemerkungen über die Durchsichtigkeit des Meer-
wassers. Ann. der Hydrographie, 1889. II, 62.