
 
        
         
		l’illusion d’un objet agrandi.  Souvent même,  elles  empiètent l’une sur  
 l’autre,  ce  qui  ajoute  encore  à  cette  illusion.  Parfois  il  n’y a qu’une  
 partie de l’objet qui donne  naissance  à  des  images  multiples.  Ainsi il 
 m’ést arrivé de voir des barques avec  
 deux  coques, les voiles ne présentant  
 rien  d’extraordinaire;  quelques  instants  
 après,  il  ne restait plus qu’une  
 coque  et  les  voiles  avaient  pris  des  
 proportions  gigantesques.  Les  Fata-  
 morgana me paraissent donc être un  
 mirage  à  images  multiples. 
 « Ici encore l’analyse mathématique  
 peut  expliquer  les  faits  observés.  
 Dans sa notice sur le mirage, Bravais  
 démontre, par des  calculs assez compliqués, 
  la possibilité de trois images,  
 dans  les  cas  où  une  couche  d’air  
 chaud  vient  se  superposer  plus  ou  
 (Fig. 165.) Le château de Chillon vu de  
 Morges. 15 avril 1894. Déformations  
 successives de l’image. 
 moins brusquement à une couche d’air froid, et lorsque le  calme subséquent  
 de  l’atmosphère  permet  à  ces  deux  nappes  de  subsister  
 quelque  temps  dans  cet  état.  Telles  sont  précisément les  conditions  
 qui sont  remplies  pendant  l’apparition  des  Fata-morgana.  Cette, existence  
 de  trois  images  n’est  qu’un  cas  particulier  de  Fata-morgana  
 dont  Bravais  donne  ainsi,  sans  le  savoir,  une  explication  mathématique. 
   J’ai  essayé  d’expliquer  de  la même manière  la  production  de  
 cinq  images,  mais  j’ai  été arrêté  par  la  complication  des  calculs.  La  
 méthode de Bravais montre  encore  pourquoi,  comme dans le cas des  
 barques,  certaines  parties • seulement  d’un  objet  donnent  lieu  à  des  
 images multiples. 
 «  Enfin  l’instabilité d’équilibre de couches de densités très différentes  
 et  la  nécessité d’un  calme presque parfait expliquent suffisamment  la  
 mobilité  du  phénomène.  Si  la  différence  des  températures  diminue,  
 nous  rentrons  dans  le  cas  du  mirage  ordinaire  d’eau  froide,  et c’est  
 pourquoi les objets nous  paraissent  avoir  des  dimensions  alternativement  
 très grandes et très petites.  » 
 Cette théorie du  savant ingénieur', notre  ami,  rend fort bien  compte,  
 à ce qu’il semble, de toXjsïesjcas  si  variés  et  si  étranges  de  mirages 
 superposés  en temps  de réfractions sur eau froide. Mais s’applique-t-elle  
 -  .au  cas plus  général de la Fata-morgana,  dans laquelle il  y a distension  
 en hauteur sans  apparence d’images multiples?  Je n’ose me prononcer  
 sur  ces questions difficiles  qui me semblent mériter encore  une  étude  
 patiente et longuement répétée. 
 III.  Fréquence  relative  des  divers  types  de  réfraction. 
 Les réfractions  anormales et les mirages  qui  les  accompagnent  sont  
 d apparition  très  fréquente.  U  est  rare  qu’en étudiant la nappe du lac  
 et la  cote opposée, l’on ne surprenne des indices  de l’un ou l’autre type  
 de ces phénomènes. L’absence de déformation du paysage qui  s’étend  
 de l’autre côté du  lac  est exceptionnelle.  Je  ne  veux pas dire  que ces  
 apparitions  soient  toujours  évidentes,  et  qu’elles  frappent  l’oeil  d’un  
 •observateur  non  prévenu.  Mais  pour  celui  qui  connaît  les  choses du  
 lac,  il saura les  apercevoir presque constamment. 
 Les  réfractions sur. eau  froide sont relativement  rares.  Ce  que  nous  
 avons  dit  de  la  température  comparée de  l’air et de la surface du lac  
 nous a appris que,  dans la plus grande partie  de l’année, l’eau  est plus  
 chaude  que l’air.  Cela  a  lieu  pendant  toute  la  journée  et  la  nuit  des  
 mois d’automne  et d’hiver,  pendant  la  nuit  et  le  matin  des  jours  du  
 pnntemps et de l’été.  Ce n ’est que pendant le milieu et la fin de la journée  
 de la  saison  chaude et du premier automne que la chaleur dépasse  
 celle de l’eau  du lac. 
 De plus,  comme nous l’avons vu  à propos du mirage sur eau froide  
 même  quand les  conditions des réfractions sur eau froide semblent être  
 établies, on voit la persistance  du  miragej  ce  n’est  souvent  que  bien  
 des  heures  après  que  l’air  a  dépassé  l’eau  dans  son réchauffement  
 diurne  que,  presque  subitement,  les  réfractions  sur  eau  froide apparaissent. 
   ;  f ‘ 
 Pendant l’année  1889, j ’ai noté fréquemment les types de réfractions  
 a 1 heure  de midi.  Je groupe dans  deux  séries,  d’une part les jours où  
 J  ai  inscrit les  réfractions sur eau  chaude,  avec mirages sureau chaude  
 ou  sur eau froide,  d’une autre part les jours où  le mirage  était  nul  ou  
 bien où  apparaissaient les  réfractions sur eau  froide.