la bise avait cessé de souffler, alors même que la température de l’air
ne s’était pas sensiblement adoucie ('). Semblable observation ayant
été faite plusieurs fois dans des circonstances analogues (*), elle
demande une explication. La voici : (3)
Quand le lac est calme, par une température très basse de l’air, le
Petit-lac se refroidit au-dessous de 4° et il s’y développe la stratification
thermique inverse; les couches superficielles descendent à zéro-, les
couches profondes restent à 4°. Mais cette stratification est détruite à
l’intérieur du port de Genève par l’actioii du courant du Rhône dont
les tourbillons et les remous amènent le mélange de l’eau. Couches
supérieures et couches profondes donnent une température moyenne
de -|- 1° à -f- 3°, suivant les circonstances ; il ne se produit aucune
glace dans le port, dans la partie traversée.par le courant du fleuve
tout au moins. C’est ce qui est prouvé par les mesures thermométriques
de M. A. Kammermann, du 30 janvier 1891 (v. p. 329). En dehors du
port, stratification inverse très marquée ; dans le port, température uniforme,
moyenne, plus chaude par Conséquent que la température de
surface extérieure au port.
Mais, lorsque la bise souffle, les conditions sont fort différentes. Les
couches de surface, refroidies à zéro par leur contact avec un air très
froid, sont chassées du côté de Genève par les courants 30'-convection
mécanique ; elles s’y accumulent, et la couche froide peut acquérii
une grande hauteur ; au lieu d’être une lame mince, -sans épaisseur,
elle peut descendre jusqu’à 10, jusqu’à 20m et plus (4). Dans ce cas
l’eau qui s’écoule sur le banc du Travers et qui forme le courant du
(ij D’après l’Observatoire de Genève, la moyenne de la température dé l’a ir
17 janvier —10.3° Vent variable
18 —; —11.5 . N N E 3
19 — 11—IL 0 N N E 2
20 , — —10.9 .N E 1
21 — — 6.6 S E 1
22 -0 .3 ■ W . 1
(2) En 1810, la congélation du port de Genève est survenue à la suite d’une bise
froide qui a soufflé pendant plusieurs jours. En 1854, bise violente qui amène le
gel de la raclé; fonte de la glace coïncidant avec la cessation de là bise, malgré.la
persistance du froid. Voir ci-dessus p. 375.
P) Arch. de Genève, XXV, 597,1891. '.
(4) Voyez ci-dessus .les observations tbermométriques de M. Th. Turrettini et de
M. van Berchem (p: 36f> sq.).
Rhône est prise toute entière dans cette couche froide, et le mélange
des' eaux par les remous du Hëùve ne procure aucun réchauffement
de l’eau ; l’eau y reste à zéro,, puisque toutes les couches qui participent
à ce mélange sont à zéro. 11 peut y avoir alors, dans le port, formation
d’aiguilles de glace, de glaçons-gâteaux, et congélation du
port de Genève aussi longtemps que la bise soufflera. La cessation de
la bise rétablira l’état normal, la stratification thermique accentuée
en dehors du port, l’arrivée dans lé Rhône dés couches moyennes plus
chaudes, par conséquent le mélange des eaux qui aboutit au réchauffement
à + 1 à + 3° de l’eau du port, par conséquent la fusion de la glace.
De cette analyse des faits, je tirerai comme probables les conclusions
suivantes :
1° Il y a possibilité de congélation de la rade de Genève sitôt que le
Petit-lac, descendant au-dessous de 4°, prend la stratification thermique
inverse. Ce cas n’est pas rare. Nous avons vu qu’il s’est produit
pendant 15 hivers sur les 20 dernières années, et, en moyenne, pendant
15 jours par hiver.
2° Pour qu’il y ait congélation totale et traversée possible de la rade
de Genève, il est nécessaire que le vent du nord ait soufflé avec force
et persistance pendant quelques jours. Il faut donc qu’il y ait coïncidence
entre un grand froid:et une bise forte et soutenue. Si la bise
manque, un très grand froid peut, ne pas amener la congélation tôtale
de la rade de Genève.
3° Par conséquent, si les dates connues de la congélation totale et
de la traversée sur la glace de la rade de Genève sont bien celles de
grands hivers, l’absence de ces apparitions n’est pas une preuve décisive
contre l’existence d’un grand froid. Si, en 1830 et 1880, on n’a pas
traversé la rade de Genève, il ne s’en suit pas que ces "deux années
n’aient pas eu de g r a n d s h iv e r s .
4° Les documents historiques qui témoignent de la traversée sur
glace de la rade de Genève ont donc une valeur positive pour l’histoire
météorologique du pays. Leur absence n’a pas de valeur négative
assurée..
5. Congélation printanière de la région pélagique du Petit-lac.
A la lin du g ra n d h iv e r de 1880, on nous a signalé des faits
curieux qui n’avaient jamais été observés auparavant, ou qui du moins