Je terminerai ce paragraphe sur les effets optiques de la surface du
lac par une dernière observation. Le lac agité par des vagues présente
à celui qui le contemple à distance une apparence de singulière
animation. Les petits mouvements isolés de chacune des vagues se
combinent pour l’oeil avec ceux des vagues voisines et donnent l’illusion
d’un mouvement d’ensemble. Il semble que l’eau s’écoule rapidement,
comme celle d’un fleuve gigantesque, en un courant qui marcherait
dans la direction du vent. Ce courant rapide est une illusion I
en réalité le courant superficiel causé par l’action du vent et qui
avance dans la même direction, est infiniment plus lent que le mouvement
apparent qui trompe l’oeil : il échappe complètement à une
observation faite ainsi à distance.
2° L’état du ciel et la lumière; Ce que nous venons de dire m’aidera
à montrer l’importance de l’éclairage du ciel au point de vue de
la couleur apparente du lac. En effet, la réflexion à la surface, du lac
est toujours un des facteurs les plus importants dans le mélange de
cette teinte résultante qui donne la couleur superficielle ou apparente
de l’eau; c’est le facteur unique dans le cas d’un lac miroitant,n’est
simplement un facteur principal dans le cas de la réflexion de la
lumière sur les facettes des vagues. Or selon que le lac a à réfléchir
un ciel bleu ou un ciel pâle, ou un ciel gris, ou un ciel noir, ou encore
un ciel taché de nuages blancs, noirs, jaunes, violets ou rouges, chacune
de ces teintes participant plus ou moins à l’image composite, suivant.
la hauteur et la direction de la partie éclairée ou sombre, suivant
la forme et la’direction des vagues, chacun de ces accidents de l’éclairage
du ciel entré pour sa part dans la couleur apparente du lac,
Rien ne peut faire mieux voir l’importance du facteur qui nous;
occupe, que la contemplation de l’un de ces phénomènes de réflexion,
du plus brillant de tous, cela est vrai. Que le soleil ou la lune, ou
môme que Jupiter ou Vénus viennent à promener leur disque brillant
au-dessus d’un lac moiré par des vagues, chaque facette de vague qui
sera inclinée de (telle sorte qu’elle renvoie à notre oeil le rayon lumineux
qui vient de l’astre, réfléchira une étincelle, et ces myriades
d’étincelles, disposées en traînée plus ou moins large, ou plus ou
moins serrée, suivant la forme et la direction des vagues, formeront le
plus gracieux, le plus éblouissant des spectacles.
Or chaque partie du ciel est réfléchie à notre oeil de la même manière
que le sont les rayons brillants de ces astres; chaque partie du ciel
prend donc sa part dans la composition de la teinte générale du lac.
L’éclairage du ciel entre encore en jeu d’une manière indirecte
dans la composition de la teinte mixte de la surface du lac : c’est par
son action sur la couleur et l’éclairage de la côte opposée. La côte
opposée se réfléchissant sur l’eau est, comme nous venons de le dire,
pour une part considérable dans la couleur apparente du lac, part d’autant
plus grande que, la côte étant à l’horizon ou près de l’horizon, son
image est réfléchie par un plus grand nombre de vagues. Or la
nuance et le ton de la côte opposée dépendent pour beaucoup de
1 état du ciel et de l’éclairage, de son état plus ou moins nuageux, etc-
Il est encore un point important, dans lequel la couleur apparente
du lac est influencée par l’état du ciel, de la lumière, par l’éclairage de
la côte opposée. Ce sont les faits de contraste simultané des couleurs.
On sait combien la coloration d’une surface juxtaposée à une autre agit
sur l’impression physiologique causée par la nuance que l’on considère
; certains voisinages relèvent, d’autres dépriment certaines couleurs
(i). Une bonne partie des effets de la peinture artistique sont
basés sur cette action des contrastes.
Or la nature est un puissant peintre; ses plus belles oeuvres sont
les paysages où l’eau entre avec prédominance en scène; ses maîtres
chefs-d’oeuvre sont, nous le prétendons du moins, les grands tableaux
panoramiques du Léman.
Elle y met en activité toutes les ressources de la palette la plus
savante. Dessin et modelé des contours, belle ordonnance des formes,
perspective aérienne qui dispose à leur rang les plans successifs, jeux
d’éclairage, jeux de lumière, jeux de couleurs ; tout s’y harmonise,
tout prend sa part à la fête de,ces magnificences. Les contrastes de ’
fl) Je citerai un seul exemple de ces effets de contraste. P a r un beau soir de
printemps, le juin 1889, je naviguais en bateau à vapeur entre Vevày et Ouchy -
la cote élevée de La Vaux se réfléchissait sur un lac plat comme un miroir Dans!
cette image refléchie, où tous les détails avaient leur place, les surfaces vert-clair
de la vigne qui poussait ses jeunes pampres prenaient une importance étrange -
la rpm 1611 ,P V6rteS qUe natUre' Je le fait lorsque j ’eus fait
? ae.]es mura,™lrJ ’ les pierres sombres,-tous les objets foncés émet-
tant peu de lumière se réfléchissaient mal dans l’eau, et laissaient voir à leu r
é ta n t h l « T ^ 6UriPr°P r e U ’ ° °m m e M d it p lu s h a u t étant bleuâtres, les parties vertes, bien éclairées, étaient reh ;a utosuséteess l edsa n°ms hlerue sr
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