hydraulique
Quelle peut être la valeur et l’importance du relèvement de l’eau suites
rives du Léman ? Cela n’a pas été calculé d’une manière suffisante
; et cependant cela mériterait de l’être, car tes données du pio-
blème sont très nettes et très simplement posées. C’est à provoquer
ce calcul qu’est destiné ce paragraphe.
Voici, par exempte, tes données du problème sur quelques points
principaux du lac :
Au Dézaley, entre Cully et St-Saphorin, au milieu de La Vaux, 1e lac
descend par un talus régulièrement incliné jusqu’à 270™ de profondeur
à 1300™ de la côte ; la terre ferme s’élève en pente régulière
jusqu’à 285™ au-dessus du lac, à 440™ de la rive. Les couches géologiques
de la terre ferme sont connues ; ce sont des grès, des calcaires,
des marneâ, dont la densité moyenne peut être fixée à 2.7.
A Rivaz, un peu à l’est de la station précédentè, 1e lac descend à
255™ de profondeur à une distance de 875™ de la rive ; la côte présente
une hauteur de 240™ au-dessus du lac, à 950™ de distance du
bord ; même densité que ci-dessus pour les couches terrestres.
A partir des points indiqués dans ces deux exemptes, 1e fond du laC
est parfaitement horizontal, et la terre ferme s’élève en un plateau relativement
peu accidenté.
Au Locon, près de Meillerie en Savoie, le lac descend à une profondeur
de 225™ à une distance de 450™ de la rive, et la côte s élève assez
régulièrement jusqu’au sommet de la Dent d’Oche, dominant de
1850™ la'surface du Léman et distant de 6k™ du bord du lac.
Un de mes amis a voulu tenter un premier calcul; il a cherché
quelle serait approximativement la déviation de la verticale sur la côte
de Rivaz, au pied des monts de Chexbres en faisant intervenir uniquement
l’action d’attraction du plateau du Jorat, sans s’occuper des attractions
compliquées des massifs des Alpes et du Jura. Les chiffres
auxquels il est arrivé sont de 3 àr5 secondes de degré. Rien ne nous
indique jusqu’à quelle distance de la rive la dénivellation se prolonge,
si nous admettons, ce qui n’est guère probable, qu elle étende son action
jusqu’au milieu du lac, large en cette région de- 8 kilomètres, un
angle de 5 secondes pour un rayon de 4000m représenterait environ
40cm de hauteur. C’est donc à une valeur d’ordre très faible que nous
avons affaire dans les conditions tes plus favorables offertes sur les
rives du Léman.
Mais s’il y a des différences, dans 1e niveau dé l’eau, des dénivellations
constantes, ces différences devraient, semble-t-il, être indiquées
par les observations limnimétriques. Le nivellement fédéral, exécuté
de 1865 à 1874 sur les rives du lac, donne avec une très grande précision
(*) la hauteur de repères situés dans toutes les villes principales
de la côte suisse ; grâce à ces repères on a pu déterminer 1 équation
des limnimètres que nous avons donnée (*). Les limnimètres étant
ainsi rapportés au même plan, les lectures faites à - ces instruments
devraient indiquer des différences de niveau entre les diverses stations,
si ces différences existaient réellement.
Mais si nous ne trouvons pas de différence dans les lectures des divers
limnimètres, en devons—nous conclure que les dénivellations statiques
n’existent pas? En aucune façon..
En effet, les mêmes influences qui agissent en .différentes places
pour dévier plus ou moins 1e fil à plomb agissent aussi sur le niveau
des géomètres pendant les opérations du nivellement ; de station en
station, 1e niveau du géomètre reste horizontal, c’est-à-dire perpendiculaire
à la résultante des forces d’attraction, c’est-à-dire perpendiculaire
au fil à plomb ; si celui-ci est dévié, le niveau est çlévié aussi
et subit une dénivellation. Le nivellement reste exact en apparence
alors même que des dénivellations plus ou moins importantes ont lieu.
C’est en plus petites proportions 1e fait que 1e nivellement général de
la mer reste exact de l’équateur au pôle, alors même que 1e rayon de
la terre aux différentes latitudes est. fort inégal, alors même que la
terre, au lieu d’être une sphère, est un sphéroïde de révolution ; c’est
aussi 1e même fait qui empêche le nivellement géométrique 1e plus
attentif de reconnaître la rotondité de la terre.
Mais si 1e nivellement du géomètre est impuissant à révéler ces dénivellations
côtières, l’observation directe ne saurait-elle pas les rendre
apparentes? Si la surface de l’eau se relève contre la rive, établissons
nous au bord du lac et visons un objet placé sur l’eau à quelque
distance ; il devra paraître, non pas au-dessous du plan horizontal passant
par la surface du lac, à nos pieds, mais au-dessus. On pourrait,
semble-t-il, mesurer l’angle que fait la nappe du lac avec 1e fil à plomb,
(') De Genève à Morges l’erreur possible est dans les limites de + ^ millimètres.
A. Hirsch et E. Planlamour. Nivellement de précision de la Suisse, I, p. 44.
Genève, 1867.